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s’éteindront plus, et que d’autres novateurs, plus hardis et plus libres, armeront de principes absolus et d’ambitions illimitées.

Les orateurs du jansénisme parlementaire, dont nous possédons les discours, appartiennent à la première moitié du siècle, à la génération à demi émancipée, qui commence la lutte sans avoir le temps de la pousser jusqu’aux violences de la fin. On ne trouvera pas en eux l’âpreté de haine agressive, l’audace fougueuse qui éclate dans leurs successeurs, exaltés par trente années d’opposition. Mais s’ils n’ont pas l’emportement fanatique et les passions extrêmes de leur parti, ils ont, ce qui vaut mieux, les vertus qui honorent leur cause et qui justifient sa popularité, je veux dire le courage du sacrifice que le de voir commande, un profond sentiment des droits de la conscience, avec la ferme volonté de tout risquer, même la vie, pour les défendre. Soutenue par eux, illustrée par leur talent, cette cause, où tant d’élémens disparates venaient se combiner, prend à nos yeux ses plus nobles aspects et nous montre ce qu’elle contenait de dignité morale et de grandeur. Quand on exhume de l’oubli les noms jadis célèbres de ces votans inflexibles que n’intimidaient. ni les lettres de cachet ni les séances royales ; quand on essaie de leur rendre aujourd’hui un peu de cette gloire passagère que l’éloquence leur avait donnée, ce qu’on aperçoit d’abord, en consultant leurs biographes, en lisant leurs discours, ce qui nous gagne à première vue, c’est un caractère de probité, de simplicité, de désintéressement empreint dans leurs actions et dans leur langage. On nous les dépeint comme d’éminens magistrats, « d’une impartialité redoutable aux solliciteurs, » comme de fervens chrétiens, bienfaiteurs du peuple, vrais modèles de zèle évangélique, qui distribuaient aux pauvres le produit de leur charge, qui employaient les loisirs de leur profession à visiter les prisonniers et les malades, et ne vivaient que pour la justice, la prière et la charité. Représentans politiques d’une doctrine condamnée, ils pourraient en être les saints ; la plupart ont compté parmi ses martyrs.

L’ancien Paris, si favorable aux fortes vocations, au travail de la pensée énergiquement concentrée sur elle-même, abritait dans ses noirs quartiers agglomérés, dans le réseau paisible de ses rues étroites, bon nombre de ces existences austères, qui se développaient selon la ligne rigide du devoir, — existences uniformes, bornées dans leurs affections, leurs idées et leurs désirs, mais heureuses de cette simplicité, contentes de cet horizon, retrempées et rafraîchies par le sentiment du bien accompli, animées et comme illuminées à l’intérieur par la flamme d’une croyance qui était tout pour l’homme et lui tenait lieu de tout, qui remplissait la capacité