étendue des déserts qui le séparent de nous. Une expédition militaire, équipée à grand renfort de chameaux, pénétrerait-elle dans le massif des monts Hogghars, ne saurait jamais tirer qu’une bien stérile vengeance des tribus sauvages qui ont assassiné nos envoyés. Quelques cadavres de Touaregs, obscurément fusillés, quelques silos incendiés, ne seraient qu’une bien faible expiation. Le sang français si généreusement répandu réclame un monument plus durable et plus digne de lui ; et ce monument ne saurait être que le chemin de fer lui-même, allant à tout jamais porter la vie et les bienfaits de notre civilisation dans ces lointaines régions.
L’entreprise est digne de nous. Elle ne saurait d’ailleurs présenter des difficultés sérieuses, quand nous voudrons l’aborder résolument. Une lutte contre des hordes barbares n’est périlleuse pour un peuple civilisé que lorsqu’il veut s’attaquer à elles, à armes égales, dans toutes les conditions d’infériorité relative que le pays et le climat peuvent créer pour lui ; elle est des plus aisées et des moins dangereuses quand celui qui l’entreprend sait user à propos de l’écrasante supériorité d’armement militaire que les progrès de notre industrie moderne mettent à sa disposition.
Avoir la prétention de soumettre et de pacifier le Sahara avec des colonnes militaires, péniblement ravitaillées par des convois de bêtes de somme, sera toujours une chimère irréalisable ; obtenir ce résultat par la construction progressive d’une voie de fer, ouvrant et explorant le pays à l’avant, en même temps qu’elle en garantit la soumission à l’arrière, est au contraire une opération des plus simples et qui, dans le cas particulier du chemin transsaharien, ne livrera rien au hasard.
Peu d’Européens ont, il est vrai, parcouru le Sahara. Il n’en est pas moins continuellement sillonné en tous sens par des caravanes d’indigènes, dont les renseignemens recueillis et coordonnés par les patientes études d’hommes ayant une aptitude spéciale à ce genre de synthèse ont permis de nous donner des cartes dont toutes les reconnaissances directes n’ont fait que vérifier jusqu’ici l’exactitude générale. Le pays ne nous est donc pas inconnu, mais il nous est fermé, moins par fanatisme religieux que par jalousie de métier, de la part des habitans, gens de commerce pour la plupart, convoyeurs de caravanes, exploitant à leur manière les marchés du Soudan, voulant se conserver le monopole exclusif d’une route que la force seule pourra nous ouvrir.
Nul plus que moi ne rend justice au courageux et chevaleresque dévoûment du colonel Flatters et de ses malheureux compagnons, tombés glorieusement en croyant accomplir un grand de voir patriotique. Mais s’il est des circonstances où l’abnégation puisse aller jusqu’au sacrifice de sa vie pour les intérêts généraux du pays, il