Page:Revue des Deux Mondes - 1881 - tome 45.djvu/402

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pendant la sécheresse pour se redissoudre et descendre dans le réservoir du sous-sol au retour de l’humidité.

Dans ces conditions, qui sont celles de nos plages de la Méditerranée tour à tour asséchées en été et submergées en hiver par des eaux que leur communication naturelle avec les étangs littoraux a toujours rendues légèrement saumâtres, la salure du sol se manifeste par l’existence d’une couche saturée de sel, à une profondeur plus ou moins grande déterminée par la durée et l’intensité de l’évaporation estivale. Si cette profondeur est faible et que le terrain reste à l’état inculte, une partie de son sel remonte à la surface par les temps secs, redescend par les temps humides. Si la profondeur de la couche salée est considérable, si d’ailleurs le terrain est maintenu dans un état de culture régulière qui, par le binage du sol, ralentit l’évaporation en interrompant la continuité des tubes capillaires, la surface du sol finit par se dessaler superficiellement et par devenir apte au développement de la végétation[1].

Ce cas de salure du sol par imbibition supérieure est celui qui se présente le plus souvent dans nos climats ; mais il en est un autre assez fréquent dans le Sahara algérien, lorsque le sol est imbibé en sens inverse par des sources jaillissant dans le sous-sol même et venant s’évaporer à l’extérieur par une action continue de la capillarité. Dans ces circonstances, la couche cristalline se concentre à la surface et elle s’y accumulerait indéfiniment, si elle n’était partiellement entraînée par le ruissellement des eaux d’orage qui vont à leur tour reproduire un phénomène de salure du premier genre dans les terrains inférieurs sur lesquels elles se répandent.

  1. Sur les bords du bas Rhône, dans des terrains en état de culture depuis des siècles, des eaux de drainage recueillies à 1m,50 de profondeur sont souvent deux et trois fois salées comme l’eau de mer, contenant 50 à 60 grammes de sel par litre.
    Cet équilibre en vertu duquel le sel se concentre à la longue dans le sous-sol des terrains salés, préservés par des digues de l’irruption des eaux saumâtres qui ont produit leur salure primitive, peut être troublé par des circonstances accidentelles, ramenant à la surface le sel inférieur. Le fait vient de se produire sans qu’on l’eût prévu, sur les terrains longeant le canal d’irrigation de Beaucaire. Ces terrains, à une altitude de 3 à 4 mètres, étaient depuis longtemps dessalés superficiellement et en état de culture régulière. Le sel n’y persistait pas moins dans le sous-sol et y décelait sa présence dans tous les puits, dont l’eau était fortement salée. Les filtrations du canal d’eau douce, quelques précautions qu’on ait prises pour rendre sa cuvette étanche, ont dissous le sel et fourni un élément nouveau à l’évaporation estivale. Le sel est remonté à la surface et stérilise tout le long du canal une bande de terrain dont la largeur, qui est déjà de plus de 100 mètres, s’accroît chaque jour, sans qu’on puisse entrevoir d’autre remède à cet inconvénient que de recourir à des submersions d’eau douce longtemps prolongées qui, en refoulant les eaux du sous-sol et les forçant à prendre un écoulement inférieur, finiront par dessaler le terrain, et cette fois pour toujours.