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Page:Revue des Deux Mondes - 1881 - tome 45.djvu/405

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littoral de la Méditerranée, dans des conditions identiques, en dépit de toutes les irrigations, il est impossible de faire pousser ni fleurs ni gazons[1].

L’influence toujours si pernicieuse des eaux salées employées à l’arrosage ne pouvait évidemment modifier cette loi générale dans un sens favorable, en passant d’une rive à l’autre de la Méditerranée.

J’ai visité à trois ans de distance les deux oasis de Laghouat et de Biskra, qui, par leur population et leur situation stratégique, sont nos postes les plus importans du Sahara algérien.

Si, dès d’abord, comme tout le monde, j’ai été saisi par le spectacle de la verte oasis succédant à la monotone aridité du désert, j’ai tenu à ne pas rester de confiance sous le charme de la première impression. Circulant sous ces dômes de verdure impénétrables aux rayons du soleil,. j’ai pu constater que l’absence d’air et de lumière et la salure du sol n’y étaient pas moins nuisibles que chez nous au développement de la végétation.

L’oasis de Laghouat, que j’ai vue la première, est située à 34 degrés de latitude dans la haute région de l’O.-Djédi, à une altitude de près de 800 mètres, qui est celle des hauts plateaux de l’Algérie. Les eaux d’irrigation dérivées de l’O.-Djédi y sont douces, mais peu abondantes. Elles servent surtout à assurer la reprise et la première pousse des jeunes palmiers, dont les racines ne tardent pas à atteindre une nappe générale d’eaux de filtration qui se trouve à une faible profondeur et qui suffit au plein développement de l’arbre, sans nouvelle irrigation.

Dans ces conditions, les dattiers réussissent assez bien et atteignent une hauteur de 20 à 30 mètres. Leurs fruits sont cependant peu savoureux et de qualité inférieure.

L’oasis, d’une superficie de moins de 200 hectares, contient environ trente mille palmiers disséminés en petits groupes dans des

  1. La généralité de cette loi me parait pouvoir se déduire de considérations de physique des plus simples. Les végétaux empruntent invariablement à la radiation solaire les forces nécessaires à leur développement vital, en chaleur, lumière et électricité. Or, on sait que la radiation solaire qui, à inclinaison égale, doit rester à peu près la même en tout lieu, si on la mesure à l’extérieur de l’atmosphère, n’arrive à la surface du sol qu’après avoir subi une déperdition ou, pour mieux dire, une transformation très variable, due à l’absorption atmosphérique. Cette absorption est relativement très faible dans les pays où l’air est sec et transparent. Elle est au contraire à peu près totale quand l’atmosphère est chargée de vapeur d’eau et surtout de nuages. Dans le premier cas, l’action de la radiation solaire agit en entier suivant la direction des rayons solaires et elle doit être interceptée au passage par le feuillage des arbres qui abritent le sol. Dans le second cas, au contraire, l’action solaire se trouvant diffusée dans l’atmosphère, se réfléchit dans tous les sens et produit les mêmes effets à l’ombre que dans les endroits découverts.