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jardinets clos de hautes murailles, le tout donnant un ombre épaisse sous laquelle la végétation n’a rien de luxuriant.

En dehors des plantations de l’oasis proprement dite s’étendent de vastes champs d’orge qui donnent une moisson passable quand les crues-du printemps de l’O.-Djédi permettent de les arroser assez abondamment. On a d’ailleurs, depuis l’occupation française, multiplié les plantations de saules et autres bois de rivage, tant sur les rives des canaux d’irrigation que sur les berges même du lit sablonneux du torrent.

Comme production, l’ensemble est en somme fort médiocre. Il n’a été fait et il ne paraît guère possible de faire à Laghouat un essai sérieux de colonisation agricole, et il n’y a dans la ville d’autre commerce que celui qui est nécessité par les besoins du ravitaillement d’une garnison assez nombreuse.

L’aspect de l’oasis n’en a pas moins quelque chose de séduisant, lorsqu’on la découvre subitement, noyée dans la brume opaline d’un ciel orangé, avec ses longues files de saules et de peupliers découpant leurs feuillages d’un vert tendre sur le sombre massif des palmiers, que domine au centre le minaret d’une élégante mosquée ; et sur les côtés les murailles de forteresses enroulant leur enceinte crénelée sur la crête des deux énormes rochers qui encaissent la ville. Les Français lui ont conservé son ancien emplacement, en la trouant de longues rues droites, bordées d’arcades aux couleurs voyantes qui masquent les vieilles masures de boue des indigènes.

C’est un vrai paysage d’Orient, dont je n’ai rencontré l’équivalent en aucun autre point de l’Algérie. Je m’attendais en effet à trouver mieux encore à Biskra. L’oasis plus étendue paraissait de voir fournir des élémens d’un plus beau décor, mais on en a bien moins tiré parti. La ville française a été construite à près de deux kilomètres de l’oasis. Rien n’annonce de loin sa présence, et c’est par une route poudreuse, à travers des champs de manœuvre calcinés, que l’on arrive à une porte ouvrant dans un mur d’enceinte, à l’intérieur duquel on prouve un désert d’un autre genre où, ça et là, s’alignent en forme de rue des maisons basses à simple rez-de-chaussée, perdues dans de vastes espaces de terrains vagues, promenades publiques sans promeneurs, parsemées d’arbres grêles dont le maigre feuillage abrite quelques touffes de lauriers-roses enfouis sous les mauvaises herbes. Dans l’espérance, en effet, d’obtenir plus tôt de l’ombre, et peut-être dans l’unique désir d’innover, les administrations locales ont proscrit les palmiers de leurs plantations publiques et les ont remplacés par des arbres d’Europe qui viennent fort mal, ou des essences d’origine tropicale, telles que les gommiers ou les cassiers, maigres acacias qui ne se distinguent pas plus par l’élégance de leur feuillage que par la majesté de leur port.