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Page:Revue des Deux Mondes - 1881 - tome 45.djvu/478

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général français se présentait en diplomate autant qu’en militaire, avec des instructions précises et un traité tout préparé. Son arrivée a été aussitôt annoncée au bey par le consul de France, M. Roustan. M. le général Bréart a été reçu au Bardo, et peu d’heures après, le traité a été signé. Mohamed-es-Sadock a fini par où il aurait dû commencer ; il s’est résigné à couronner la série de ses protestations inutiles par un acte de sagesse, par une satisfaction complète donnée à la France. Lorsqu’il y a trois jours, M. le président du conseil portait devant les chambres les premières déclarations du gouvernement, il n’hésitait pas à dire que la France ne poursuivait ni conquête ni annexion, qu’en se proposant de demander au bey des garanties sérieuses et durables, dont les circonstances démontraient la nécessité, « on n’en voulait ni à son territoire ni à son trône. » C’est là en effet un des points du traité signé au Bardo. La France garantit au bey de Tunis la sûreté de sa personne, de sa dynastie et de ses états. En revanche, la France a le droit d’occuper les positions que l’autorité militaire jugera nécessaires pour la sûreté de la frontière et du littoral ; elle a le droit d’avoir un ministre résident à Tunis, d’être entendue à l’avenir sur les conventions internationales que le bey pourrait conclure ; elle reste garante devant l’Europe des traités existans entre la régence et les autres puissances, et elle se charge de la protection diplomatique des intérêts tunisiens à l’étranger. Est-ce, comme on le dit, un traité de garantie ? Est-ce un acte de protectorat ? Peu importe le mot ; c’est dans tous les cas entre la France et Tunis un ordre nouveau de rapports destiné à mettre fin à de fatigans conflits. La question politique a été dénouée au Bardo. La question militaire de la répression des tribus de la frontière reste à trancher par les armes, par les opérations qui se poursuivent. Quant à la question diplomatique, elle n’est ni bien sérieuse ni même pratiquement saisissable ; elle n’existe que par la mauvaise humeur de quelques puissances, par des ombrages peu justifiés, par ce bruit imprévu que la Porte a cru de voir faire avec ses protestations au sujet des affaires tunisiennes.

A parler sérieusement, que signifient ces protestations de la Porte et ces circulaires adressées aux puissances pour faire appel à leur intervention et ces menaces d’envoyer des navires ottomans à la Goulette ? Cette souveraineté, cette suzeraineté que le sultan invoque, elle a cessé d’avoir une existence effective depuis plus d’un siècle. Elle n’a jamais été reconnue par les autres puissances avec lesquelles les beys ont toujours pu traiter en princes indépendans. Toutes les fois que la Porte a eu l’air de vouloir paraître à Tunis, sous la monarchie de juillet comme sous l’empire, elle a dû s’arrêter devant une interdiction française. Une seule fois, en 1871, on a cru pouvoir profiter des malheurs de la France pour essayer de faire revivre de vieux liens entre Constantinople et la régence,