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devant la grandeur du saint-empire ; il avait foi en lui-même, il avait confiance dans son armée, bien disciplinée, dans ses petits canons soigneusement enfermés dans des étuis de cuir, dans la nouvelle tactique qu’il avait inventée, et qui était pour ainsi dire le prélude de l’ordre dispersé opposé aux épais bataillons. Mais si robuste que fût sa confiance, il ne se trouvait pas assez fort pour mettre seul l’ordre dans le chaos de l’Allemagne. Il lui fallait une grande alliance : Richelieu lui offrit celle de la France.

Dès le mois de septembre 1630, Richelieu travaillait en même temps à un traité secret avec la Bavière et à un traité avec la Suède. Charnacé lui écrivait qu’il croyait trouver de la difficulté au traité avec la Suède pour deux raisons principales : « l’une, que le roy de France est nommé le premier au premier article ou il est dit : Sit fœdus inter dictos serenissimos Francorum et Suevorum reges. » « Il y a beaucoup de choses à dire là-dessus ; mais si cet article arrestoit, écrivait Richelieu au père Joseph, on pourroit dire simplement : Sit fœdus inter dictos serenissimos reges, sans les nommer, parce qu’ils sont désignés au préambule. L’autre difficulté est qu’il dit (Charnacé) que le roi de Suède n’entend pas qu’on rabate sur le million que contribuera Venise… Nous passerons par-dessus cette difficulté. » Gustave-Adolphe avait surtout besoin d’argent, et Richelieu tenait à « soigneusement conserver l’union et l’intelligence avec le roy de Suède. » Au mois d’octobre, des négociations ouvertes à Ratisbonne avaient abouti à un projet de traité de paix, que Richelieu n’approuva point. Ce traité était l’abandon trop complet de tous les alliés de la France. « On estime, écrivait Richelieu de Roanne, qu’on ne peut ratifier le traité sans perdre l’honneur, nos alliez et toute créance avec eux. » Richelieu écrivit à Charnacé qu’il ne ferait point la « lâcheté » de signer un traité qui était l’abandonnement de M. de Mantoue, du roi de Suède, des Vénitiens, des Hollandais. Peu de jours après, l’armée française arrivait devant Casai, et l’on sait comment Mazarin parvint à suspendre la bataille qui allait s’engager et obtint la sortie des Espagnols de Casai et de Montferrat.

Dans les derniers jours de l’année 1630, Richelieu mandait à Charnacé qu’il attendait « ce qu’il aura faict avec Suède, où son jugement seul, estant éloigné comme l’on est, le doit conduire. » Charnacé s’embarqua à Lubeck et se rendit auprès du roi « sans s’inquiéter, écrivait-il, à toutes ces violences et mauvaises humeurs. » Le traité fut signé à Berwelde, le 23 janvier 1631. Les deux rois s’engageaient à protéger leurs alliés communs, à rétablir les droits des états opprimés, à assurer la sécurité de la Baltique et de la mer ; le roi de Suède devait conduire en Allemagne et y