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Suède restituât à la ligue catholique tout ce qu’il lui avait pris ou plutôt qu’il le déposât entre les mains du roi de France, jusqu’à la réunion d’une diète générale. Le roi de Suède exigeait que le roi de France fût caution de la neutralité des électeurs, et Richelieu négociait pour mettre des garnisons françaises dans quelques places. Il demandait au roi de Suède de lui donner Mayence. « L’électeur de Trêves offre Philipsbourg. On aimerait mieux Coblentz, mais il n’est pas à espérer. M. de Bavière consentiroit à donner Manen (Mannheim), mais comme cela est au delà du Rhin, le roy fait difficulté de recevoir et Philipsbourg et Manen pour ceste raison, parce qu’il n’a rien qui les puisse secourir. Il se pourroit trouver un tempérament, qui est que le roy maintenant ne prist aucune place, mais qu’il feust seulement arresté qu’au cas que le roy eust besoing de deffendre les électeurs ils luy mettroient préalablement ces places entre les mains, le roy n’en voulant point à présent. Si cependant dès ceste heure, ils vouloient donner Dinan (Dinant dans la province de Namur) ou Coblenz pour arres des autres places qu’il faudroit qu’ils consignassent, en cas qu’ils eussent besoin des secours du roy, Sa Majesté la recevroit pour s’engager davantage avec eux. »

Richelieu ajoutait que « les ambassadeurs du roy se souviendroient de traitter le fait des places si délicatement qu’il paraisse que le roy n’en face aucune recherche et portent les électeurs à les offrir d’eux-mesmes. » Il se méfiait beaucoup du roi de Suède, car dans un mémoire du 6 février 1632, que M. de Charnacé porta à M. de Brézé, il dit qu’il « faut bien prendre garde à esviter, dans l’acte de la neutralité, tous les termes captieux sur lesquels le roy de Suède pourroit à l’advenir prendre prétexte de rupture. »

« Je n’espère pas, écrivait M. de Brézé, le 14 février, de Francfort, à M. de Bouthillier, qu’on puisse conduire à bonne fin l’affaire de la neutralité… Le roy de Suède porte fort impatiemment qu’on luy parle de ce qui regarde la religion… Dans un entretien de trois heures, il m’a parlé des affaires d’Italie, des particularités de la vie du roy… On est venu l’avertir que sa viande étoit servie. Il me commanda de souper avec luy et la reyne et quelque six ou sept autres princesses et trois ou quatre autres princes, non comme ambassadeur, « car nous ne vous sçaurions pas assez bien traiter comme tel, mais bien comme marquis de Brézé, qui est de mes bons amis. » La conversation fut portée sur la religion catholique, et le marquis de Brézé prenant parti pour sa foi, le roy luy dit : « Ne croyez pas pour ce que je vous ay dit que je sois ennemi de votre pape, » et, redoublant son rire, continua : « Car sans moy il ne seroit que le chapelain des Espagnols… » Et puis on joua jusqu’à