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porter à la paix. Gustave-Adolphe triomphait trop au gré de Richelieu ; Saint-Étienne lui dit que l’électeur de Bavière désirait la paix, qu’il avait d’ailleurs désapprouvé l’entreprise faite par Tilly sur Bamberg ; le roi de Suède lui répondit qu’il parlait sans avoir ordre de son maître, le roi de France ; qu’encore que le duc de Bavière eût autant de prudence que de dissimulation, il avait mal mené ses affaires ; que s’il voulait traiter de bonne foi, il n’avait qu’à livrer Ingolstadt, à restituer l’électorat et le Palatinat au roi de Bohême et qu’à licencier toutes ses troupes. Saint-Étienne était le propre neveu du père Joseph ; il avait été employé en 1630 aux affaires d’Allemagne, il avait été d’abord avec Brulart de Léon, et mis ensuite sous la direction de Charnacé, il venait d’être nommé envoyé de France auprès de l’électeur de Bavière avec la mission de protéger les intérêts des Bavarois sans toutefois rompre avec le roi de Suède. Se voyant traité de si haut en présence du roi de Bohême, de Horn et de quelques autres, il parla de la puissance de son maître. Le roi lui répondit qu’il comptait sur la loyauté du roi de France ; « cependant, si Sa Majesté veut envoyer quarante mille de ses François au secours de la Bavière, peu m’importe avec qui j’aie à combattre ; je pourrai m’entendre avec le Turc, qui est mon bon ami. » Louis XIII ne connaissait pas encore ces paroles quand il disait à l’ambassadeur de Venise, en apprenant la défaite et la mort de Tilly : « Il est grand temps de mettre un terme aux progrès du Goth. » Mais il devenait chaque jour plus clair que le Goth était aussi inquiétant pour ses amis que pour ses ennemis. Il éprouvait une sorte d’ivresse guerrière, pareille à celle qui porta plus tard Napoléon à Moscou. Il osa répondre à Richelieu, qui lui fit demander peu après jusqu’où il entendait pousser ses conquêtes : « Jusqu’où mes intérêts l’exigeront, » et ses intérêts étaient de ceux qui ne peuvent plus se définir. Il se posait de plus en plus en ennemi des papistes, en apôtre armé du protestantisme. Richelieu avait mis beaucoup de retard dans le paiement de ses subsides ; il finit par cesser entièrement de les payer. Et le « Goth, » quand on alla jusqu’à parler de l’envoi de troupes françaises contre les Suédois, dit : « Que le roi de France ne se donne point cette peine ; j’irai le trouver à Paris, à la tête de cent mille hommes et nous viderons là nos différens. » Ces paroles, si elles ont été prononcées[1], ne sont qu’une pure boutade ; car le Suédois n’était point sans une grande finesse et il avait assez d’affaires sur les bras en Allemagne pour ne point s’attaquer à la France. La guerre en Bavière avait pris un caractère horrible :

  1. Maurillon, Histoire de Gustave-Adolphe.