dans la conquête pure et simple des provinces qui forment tout le littoral de la Baltique. La chimère d’un nouvel empire protestant, entouré d’électeurs protestans, avait disparu comme fond la neige au soleil. Il ne restait que d’obscures revendications sur des provinces polonaises et allemandes. Le véritable empire, l’empire de Ferdinand, un instant menacé, restait solide sur ses vieilles hases historiques. Richelieu ne voulait point trop affaiblir l’empire, et Gustave-Adolphe l’avait bien deviné sur ce point : « Il estoit vray que la France se méfioit fort de l’Espagne et point de l’empire, » écrivait-il au commencement de 1634 à M. de Saint-George ; il aurait voulu pouvoir séparer la maison d’Autriche et la maison d’Espagne, lutter en Italie avec les princes italiens, dans les Pays-Bas avec les États. L’Allemagne était un terrain sur lequel il hésitait à mettre le pied ; il sentait très bien que l’étrange constitution de l’empire allemand offrirait tôt ou tard à la France des occasions d’intervenir et de refaire sa malheureuse frontière orientale.
En lisant, au reste, la correspondance diplomatique de cette époque, on admire non-seulement l’extrême vigilance de ceux qui conduisaient les affaires de la France, mais en même temps la sagesse, la prudence de leurs vues, la hauteur et l’impartialité de leurs conceptions politiques. La France n’aspirait pas seulement à se délivrer elle-même, elle aspirait à délivrer l’Europe entière d’un joug étouffant. Peut-être peut-on reprocher à Richelieu d’avoir attendu un peu trop longtemps avant de se porter à l’alliance suédoise et, une fois qu’il l’eut fait, de ne s’y pas être porté avec plus de résolution ; ce qui l’arrêta peut-être, ce fut le sentiment que le Suédois, qui parlait sans cesse de liberté à l’Allemagne, ne lui préparait qu’un nouveau despotisme, ce fut aussi la conviction qu’il était moins propre à fonder quelque chose qu’à tout ébranler et à tout remuer, et que le vieil édifice impérial resterait debout, malgré la vaillance et l’impétuosité de ce soldat merveilleux, qui aimait plus la gloire que les fruits de la gloire et qui préférait le péril à la victoire.
Il faut voir le roi de Suède, comme le représentent les gravures du temps, sur un lourd cheval d’Allemagne, le front haut, l’œil clair, froid et brillant, la bouche ferme, épaisse et souriante. La narine s’enfle, comme celle du cheval de guerre ; la bataille a commencé ; les bataillons s’agitent confusément dans le fond ; le roi part comme pour la parade. Jamais encore, en un temps pourtant si fécond en grands courages, on n’avait vu roi courtiser si familièrement la mort. Cent fois il la regarda en face, cent fois il risqua sa vie dans les plus obscures occasions. Ses soldats étaient sûrs de le voir au milieu d’eux toutes les fois que le péril était plus grand ou