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officiel, qui n’est pas accessible à tous les talens. Il faut donc quelque chose de plus libéral. Les expositions particulières faites par des groupes d’artistes sont impuissantes à résoudre le problème. Elles n’ont point un caractère assez étendu, le retentissement n’en est pas suffisant, et elles ne s’ouvrent pas comme le Salon, à une date connue longtemps à l’avance et consacrée par l’usage.

Dira-t-on que la question ainsi envisagée n’a plus qu’un intérêt mercantile ? Qu’on y réfléchisse : si les œuvres des artistes français sont recherchées et répandues, si elles deviennent pour le pays une source de richesse, elles assurent en même temps l’influence de notre génie national. Enviées du monde entier, elles portent partout avec elles un signe de notre civilisation : elles sollicitent à la fois les amateurs et les artistes à reconnaître la supériorité de notre goût. Et l’École des beaux-arts le sait, elle qui reçoit chaque année tant d’élèves étrangers ! Quoiqu’elle dépende de faits économiques, cette manière d’étendre notre influence intellectuelle n’est pas à dédaigner. Bien plus, on doit la favoriser le plus possible.

Il faut donc le reconnaître, il y a sur le terrain que nous étudions deux points de vue, deux intérêts distincts, mais considérables : l’intérêt de l’état, qui est au fond celui de l’art national, et l’intérêt des artistes, qui est aussi parfaitement français. L’obligation où l’on est de les satisfaire conduit à admettre la nécessité de deux sortes d’expositions.

La précédente administration des beaux-arts avait songé à les établir et à les faire fonctionner à la fois. Elle trouvait en cela un moyen de bien faire comprendre les deux termes de la question et ce qu’elle estimait en être la solution pratique. Vers la fin de 1878, elle avait provoqué un décret dont on n’a pas oublié les dispositions essentielles. Il devait y avoir, cette année même, une double exposition. La première était à peu près libre et assurait la publicité au plus grand nombre des artistes. Elle consacrait en quelque sorte le droit à exposer ; elle devait être annuelle. L’administration lui ouvrait le palais de l’Industrie tout entier. Pour ne pas rompre brusquement avec le passé, un jury mixte décernait encore une partie des récompenses officielles. En même temps ou peu après, l’état ouvrait sous le nom d’exposition triennale le véritable Salon. Les meilleurs ouvrages produits depuis trois ans pouvaient y paraître une seconde fois, mais il n’excluait pas les œuvres nouvelles auxquelles pouvaient s’ajouter les meilleures de celles qui figuraient à l’exposition des artistes pour disputer les médailles d’honneur. De la sorte, l’administration pensait continuer la tradition deux fois séculaire des Salons et, en présence du droit des