Page:Revue des Deux Mondes - 1881 - tome 45.djvu/714

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sommes, qui peut certainement être décisive pour nos affaires intérieures et extérieures, pour la politique tout entière du pays.

Et d’abord qu’on se représente à peu près la situation intérieure telle qu’elle est aujourd’hui, telle que l’ont faite les plus récens incidens. Ce qu’il y a d’évident, c’est que la lutte électorale, avant même d’être légalement ouverte, est désormais engagée.

Elle est un peu partout. Elle est dans ce voyage que M. le président de la chambre des députés vient de faire à Cahors, sa ville natale, et qui n’a d’autre tort que de ressembler par certains détails à quelque épisode du Roman comique. Elle était hier encore dans le discours, d’ailleurs vigoureux et sensé, par lequel M. le président du conseil s’est efforcé de rassurer les sentimens religieux du pays en défendant contre les passions anticléricales les intérêts du recrutement du clergé, en essayant d’obtenir pour les étudians ecclésiastiques un adoucissement des rigueurs du service militaire. Cette lutte électorale, elle a été particulièrement engagée, il y a quelques jours, par cette discussion qui a un instant passionné la chambre, qui a désorganisé la résistance des partisans du scrutin d’arrondissement et a fait triompher le scrutin de liste. La campagne a été du reste vivement conduite par un habile stratégiste. À peine le parlement a-t-il été de nouveau réuni après ses dernières vacances que la question s’est imposée en quelque sorte. M. le président de la chambre, qui depuis longtemps a fait du scrutin de liste son affaire personnelle, s’est jeté aussitôt dans la mêlée, et le discours qu’il a prononcé a décidé la victoire en mettant un au combat. Jusqu’au bout, il est vrai, même après le discours de M. Gambetta, le dénoûment semblait singulièrement incertain. Au premier vote secret, la chambre s’est presque partagée, il n’y a eu qu’une différence de huit voix entre les deux camps. Au second vote, qui a été public, tout avait déjà changé, et si dès lors la majorité n’a cessé de grandir, c’est que beaucoup de vaincus du premier scrutin ont dû s’empresser de se réconcilier avec le vainqueur, c’est que rien ne réussit comme le succès, selon le mot vulgaire ; c’est qu’aussi on a tâché de laisser l’espérance à ceux qui pouvaient se sentir menacés dans leurs intérêts électoraux. On leur a laissé une porte ouverte ; on n’a pas seulement maintenu le nombre des députés tel qu’il existe aujourd’hui, on a augmenté considérablement ce nombre sans s’inquiéter si ces combinaisons de fantaisie, ces expédiées de circonstance, n’auraient pas pour résultat de troubler l’équilibre des pouvoirs publics. Tout cela a été fait en quelques heures, au pas de course, par une sorte de mouvement qui, une fois décidé, s’est précipité vers le but comme si on avait hâte d’en finir.

Reste à savoir maintenant si ce qui a été fait par la chambre des députés sera ratifié par le sénat, et si cette réforme du système électoral habilement préparée depuis quelques mois, éloquemment soutenue au