Page:Revue des Deux Mondes - 1881 - tome 45.djvu/76

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Pont-à-Mousson, par René d’Anjou, duc de Bar, fils cadet de la reine de Sicile.

Si l’on considère tout cet ensemble de faits, on sera tenté de croire qu’il y eut comme un pacte d’alliance tacite, mais intime, entre la maison d’Anjou et par suite celle de France, d’une part, les religieux franciscains et particulièrement les cordeliers de l’observance, de l’autre, pendant la première moitié du XVe siècle. Sans méconnaître ici l’influence de la rivalité séculaire entre les deux principaux ordres mendians, c’est surtout dans les intérêts des princes angevins en Italie qu’il faut chercher la véritable explication de cette alliance. En 1420, Louis III d’Anjou, fils aîné de la reine Yolande, cédant à l’invitation du pape Martin V, s’était décidé à passer en Italie pour y faire valoir ses prétentions sur le royaume de Naples. Le souverain pontife, qui était un Colonna, appartenait à une famille attachée par tradition au parti des princes français dans la péninsule. D’ailleurs, il ne voyait dans Alphonse V, compétiteur de Louis d’Anjou, que le partisan obstiné de Pierre de Luna, auquel le roi d’Aragon avait donné asile dans ses états après les deux dépositions prononcées contre Benoît XIII par les conciles de Pise et de Constance. En outre, il ne pouvait pardonner à ce prétendant d’avoir entièrement dépouillé le saint-siège de la collation des bénéfices dans les Deux-Siciles. Aussi Louis III, battu dans plusieurs rencontres par son rival, avait trouvé asile à Rome, et bientôt même, sur les pressantes instances du pape, avait été adopté, le 21 juin 1423, par la reine Jeanne de Naples. L’anti-pape Benoît XIII étant venu à mourir l’année suivante, Alphonse V avait reconnu son successeur, Gilles de Mugnos, élu par les deux cardinaux de l’obédience de Pierre de Luna. C’était une déclaration de guerre au pontife romain, et Martin V avait répondu à cet acte d’hostilité en redoublant d’efforts pour ruiner de fond en comble l’influence du roi d’Aragon dans les Deux-Siciles. Non content de mettre au service de Louis d’Anjou la redoutable épée de François Sforza, le pape avait servi non moins utilement les intérêts du prince français en déchaînant contre l’Aragonais la fougueuse et triviale éloquence des religieux de l’ordre de Saint-François. Cet ordre jouissait alors en Italie, principalement dans le sud de la péninsule, d’une popularité sans égale. Quelques années auparavant, un de ses membres, le Candiote Pierre Philarge, avait ceint la tiare sous le nom d’Alexandre V. Au moment où éclata la lutte entre Louis d’Anjou et Alphonse d’Aragon, trois religieux remplissaient l’Italie du bruit de leurs prédications et de la renommée de leurs vertus, et ces trois religieux, Bernardin de Sienne, Jean Capistran et Mathieu Cimarra, étaient des franciscains de l’observance. Deux d’entre eux, Capistran et Cimarra, tiraient leur origine, le premier d’Aquila, dans les