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petites filles musulmanes. Ces petites musulmanes sont beaucoup plus douces que les chrétiennes ; elles aiment leurs maîtresses ; lorsqu’elles ont quitté le couvent, elles reviennent souvent les voir, ou, si elles sont trop éloignées pour cela, elles leur écrivent. Les juives sont moins nombreuses parce que la synagogue est sévère pour les familles qui mettent leurs enfans chez les sœurs, mais il y en a pourtant quelques-unes, dont les dispositions sont également excellentes. Dans les écoles de garçons, les progrès de l’esprit vont très vite ; il faut espérer que ceux du cœur, quoique plus lents, ne seront pas moins féconds. La race syrienne est l’une des plus intelligentes, des plus souples, des plus actives de l’Orient. Rien n’égale la merveilleuse facilite avec laquelle les jeunes Syriens se forment à notre langue et saisissent les premiers élémens des sciences. En Syrie, l’intelligence court les rues. C’est un trésor de forces vives qui reste sans emploi. En revanche, la moralité syrienne laisse beaucoup à désirer. Le rôle des écoles doit s’étendre au moins autant à l’éducation qu’à l’instruction. Les Syriens n’ont aucune idée du devoir ; aucun sentiment de la vérité ; ils sont rusés et fourbes. Détestant le travail, il faut qu’ils se sentent poussés par un irrésistible amour du gain pour renoncer à leur paresse instinctive. S’ils peuvent mendier ou dérober, ils se gardent bien de chercher un moyen de vivre plus pénible. C’est à ces mœurs détestables que les écoles doivent s’attaquer. Celles qui existent le font avec un plein succès. Le père Ratisbonne a déjà obtenu de bien remarquables résultats dans ses établissemens de bienfaisance. En formant des ouvriers, des industriels, en donnant à ses élèves un métier, il les arrache aux plus mauvaises tentations de l’avenir. Généralement, le danger des écoles de Syrie est le manque de débouchés pour les jeunes gens qui en sortent. Presque tous ceux qui y ont reçu une instruction tant soit peu superficielle se croient, au milieu de l’ignorance universelle, des hommes supérieurs et visent, en conséquence, à obtenir une place dans les administrations publiques. Comme cette place ne se trouve guère en Syrie, ils vont en Égypte, où ils sont assez mal reçus et où ils forment une catégorie de mécontens dangereux. C’est donc une heureuse inspiration de leur apprendre à gagner leur vie par un métier qui ne fait point d’eux des déclassés. Si l’industrie et l’agriculture prenaient en Syrie l’essor qu’elles pourraient facilement y prendre, ces jeunes gens formeraient plus tard d’excellens contremaîtres capables de doubler la richesse nationale.

Notre action scolaire ne s’exerce malheureusement pas en Palestine aussi activement qu’elle devrait le faire. Les écoles franciscaines, comme je l’ai dit, sont insuffisantes. Il faudrait fonder des écoles de frères à Jaffa, à Bethléem et à Nazareth ; ce serait le