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Grenier-sur-l’Eau, dont l’aspect misérable contraste avec celui de quelques vieux hôtels encore debout comme l’hôtel de Soubise, devenu le bâtiment des Archives, et l’hôtel de Luxembourg, qui ouvre sa porte majestueuse dans la petite rue Geoffroy-Lasnier. Mais je préfère choisir une autre région plus anciennement parisienne encore, puisqu’elle fut à la fois le premier lieu de plaisir de nos anciens rois et le premier berceau de la science : je veux parler de celle qui s’étend sur la rive gauche depuis le bord de la Seine jusque sur le plateau qui couronne le sommet de la montagne Sainte-Geneviève, et qui dans la langue administrative s’appelle le Ve arrondissement ou arrondissement du Panthéon.

Les quais, la grande ligne droite du boulevard Saint-Michel, jusqu’au carrefour de l’Observatoire, les boulevards de Port-Royal, de Saint-Marcel et de l’Hôpital jusqu’au Jardin des Plantes forment les limites de cet arrondissement. Au point de vue administratif, il est divisé comme au reste tous les arrondissemens en quatre quartiers. Mais à cette division j’en substituerai une autre qui répond mieux à l’objet de nos études : le quartier des couvens et des écoles et le quartier de la misère. Les couvens et les écoles occupent le sommet du plateau qui couronne la montagne Sainte-Geneviève et les pentes qui s’abaissent vers la Seine. Sur le plateau les couvens dominent. C’est là que, dans des monastères demeurés fameux, comme celui de Port-Royal de Paris, celui des carmélites de la rue Saint-Jacques, dernière retraite de Mlle de la Vallière, les âmes repentantes ou fatiguées venaient, il y a deux siècles, chercher la pénitence ou le repos. Quelques-uns de ces asiles subsistent encore et n’ont fait que changer d’hôtes, comme l’ancien couvent de la Visitation, où les dames de Saint-Michel reçoivent aujourd’hui les jeunes filles que leur confie la préfecture de police. D’autres ont disparu en laissant derrière eux quelques souvenirs de leur nom, comme le couvent des Ursulines, sur l’ancien jardin duquel s’ouvre une rue paisible et recueillie, et celui des Feuillantines, les vertes Feuillantines de Victor Hugo, dont la grande allée où se jouait l’enfance du poète a été remplacée par une large voie nouvelle. D’autres enfin se sont élevés, répondant à ces instincts mystiques que développe de nos jours, chez certaines âmes, le besoin de protester contre l’étroitesse de l’horizon où voudraient nous enfermer les théories de la science. Il n’y a pas bien loin du Muséum d’histoire naturelle au couvent de la rue d’Ulm, où les religieuses de la Réparation, prosternées jour et nuit devant l’autel, demandent pardon à Dieu pour les iniquités des autres. Quant aux collèges, c’est depuis le temps de l’école Sainte-Geneviève, qui fut témoin des luttes d’Abailard et de Guillaume de Champeaux, qu’ils occupent le sommet et les pentes, de la montagne. L’aspect de ce qu’on appelle parfois le pays latin a aussi bien changé