fait jusqu’à supprimer le latin, mais il en réduit l’étude à la plus simple expression. Il lui suffit a de mettre les élèves en état de lire les livres vraiment utiles écrits dans cette langue, » et c’est de très bonne foi qu’il nous dit que la connaissance « approfondie des littérateurs anciens serait plus nuisible qu’utile. » « Former la raison, le jugement, apprendre aux jeunes gens la vérité, faire des hommes modernes, adapter les intelligences aux nécessités du temps présent, » n’est-ce pas là le but de l’éducation ? « Or les livres des anciens sont remplis d’erreurs ; les coutumes, les mœurs auxquelles ils font allusion sont tout à fait différentes des nôtres. » La belle raison ! Quoi ! parce qu’il y a dans Virgile et dans Lucrèce des erreurs de physique et d’astronomie, il faudrait proscrire les Géorgiques et le de Rerum Natura ! Quoi ! pour faire des hommes, des citoyens, une page de Sénèque ou de Cicéron ne vaudrait pas une démonstration mathématique ! Pour élever une intelligence, orner un esprit, en dehors des sciences et des vérités positives il n’y aurait rien d’actif ni d’efficace, ni les vérités morales, ni les grands exemples, ni les beautés littéraires, ni l’éloquence, ni la poésie ! Que sont ces choses auprès d’un bon cours d’accouchement ou d’art vétérinaire ? Vraiment, la pensée de Condorcet se traîne ici dans une région singulièrement basse, et sa vue nous paraît bien courte ; elle n’embrasse qu’un des côtés et le plus petit de la question, le côté extérieur ; elle ne saisit pas, — le mot est de Michelet, — « ce qu’on peut appeler le fond, la substance, l’âme de l’éducation. » Or ôtez cela, que reste-t-il ? Une pédagogie bornée dans ses moyens comme dans son but, sans profondeur et sans élévation, superficielle, tout ensemble orgueilleuse et terre à terre, un système où nulle part on ne sent la force d’une grande idée morale. Dans le projet de Mirabeau, dans celui de Talleyrand, malgré bien des défauts, cette idée, l’idée spiritualiste, sinon religieuse, apparaissait encore. Chez Condorcet il n’en est plus vestige : l’athéisme ne se déclare pas encore ouvertement ; il prend un masque et s’appelle l’esprit scientifique. Mais il rejettera bientôt ce déguisement, et c’est un girondin, Jacob Dupont, qui le premier, dans la convention, osera le confesser.
Le projet de Lanthenas. — Il faut rendre à la convention la justice qui lui est due ; en fait d’instruction publique, jamais en France assemblée n’a remué plus d’idées et n’a déployé plus d’activité. Du premier au dernier jour, elle n’a cessé de poursuivre, avec une infatigable persévérance, le travail d’organisation qu’elle avait entrepris. Rien ne put l’en détourner, ni la guerre étrangère, ni la guerre civile, ni la terreur ; au milieu des plus terribles conjonctures, elle sut toujours réserver à cet objet une part de son attention et de ses soins. Après la finance et l’armée, on peut dire qu’elle n’eut pas de préoccupation plus vive et, parmi tous les projets qu’elle discuta, il en