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Page:Revue des Deux Mondes - 1881 - tome 45.djvu/883

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l’instruction impérative et forcée, comme on disait alors. « Pour régénérer l’esprit humain, dégradé par les vices de l’ancien régime, » il lui faut l’éducation commune de Sparte. Il enlève à la famille, au foyer domestique, tous les garçons de cinq à douze ans, toutes les filles de cinq à onze ans, et les enferme dans des maisons nationales pour y être élevés aux frais de l’état. Là régnera la plus stricte égalité : l’instruction, les soins, le régime seront les mêmes pour tous. « Les garçons apprendront à lire, écrire et compter ; on leur donnera quelques notions du mesurage et de l’arpentage ; on leur apprendra par cœur quelques chants civiques et le récit des traits les plus frappans de l’histoire des peuples libres et de celui de la révolution française. Ils recevront aussi des notions de la constitution de leur pays, de la morale universelle et de l’économie rurale et domestique. » — « Les filles apprendront à lire, écrire et compter. Leur mémoire sera cultivée par l’étude des chants civiques et de quelques traits de l’histoire propres à développer les vertus de leur sexe. Elles recevront aussi des notions de morale et d’économie domestique et rurale. »

Mais la principale occupation de la journée, pour l’un comme pour l’autre sexe, sera le travail des mains. Platon ne faisait que des philosophes, Lycurgue des soldats, l’ancien régime des écoliers. La république française fera « des hommes de tous les états. » Pour atteindre ce but, les garçons « seront employés à des ouvrages analogues à leur âge, » soit à ramasser et répandre des matériaux sur les routes, soit dans les ateliers des manufactures voisines, soit enfin à des travaux, qui pourront s’exécuter dans l’intérieur de la maison. Les filles apprendront à filer, à coudre, à blanchir ; elles pourront aussi être employées dans les ateliers.

Il y avait dans les anciens collèges un nombreux domestique. Le-pelletier supprime cet abus. Les enfans les plus âgés rempliront à tour de rôle les diverses fonctions du service journalier de la maison : ils seront même tenus d’assister et de soigner un certain nombre de vieillards ou d’infirmes placés tout exprès dans l’intérieur ou à la portée des maisons d’éducation.

Enfin ils recevront également et uniformément, chacun suivant son âge, une. nourriture saine et frugale, un habillement commode, mais grossier, et seront couchés sans mollesse.

Tel est, dans ses traits généraux, cet essai fameux que tant d’acclamations saluèrent à son apparition et qui a trouvé de nos jours même de hardis apologistes[1]. La convention, disons-le bien vite à sa louange, n’alla pas jusqu’à se l’approprier ; elle le renvoya pour être amendé à la commission des six, qui le lui représenta quelques

  1. M. Michelet entre autres.