Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1881 - tome 45.djvu/892

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ans à une dépense qu’on peut supprimer par l’un ou l’autre de ces moyens.

Une chose qui peut surprendre le lecteur, mais qui est prouvée, c’est que l’aralon greffé sur riparia produit 25 pour 100 de plus que sur ses propres racines. Il n’en est pas de même si on transforme une vigne française à grand produit en vigne américaine. Le jacquez, greffé sur aramon, baissera comme quantité, mais il donnera plus d’alcool, de couleur, et son prix compensera la perte sur la quantité.

Un mot sur les conditions économiques de cette transformation. Portons en première ligne la perte d’une récolte plus ou moins compromise par le phylloxéra, ensuite le prix d’achat des greffons, variable selon l’espèce ; — la vente des bois produits dès la première année paiera le prix d’achat des greffons et au-delà, — enfin le greffage à 15 fr. le mille pour un nombre de souches variant de 2,500 à 4,000 à l’hectare, soit de 37 fr. 50 à 60 francs à l’hectare. En ce moment le jacquez et l’herbemont sont les espèces les plus connues et les plus confirmées ; le bois de jacquez rapporterait plus que le bois d’herbemont si sa reprise était plus régulière. Ce dernier reprend et s’affranchit facilement ; son vin est moins corsé, mais il se contente de terrains plus pauvres. En somme, l’herbemont est moins apprécié que le jacquez ; pourtant il est moins sujet que lui à l’anthracnose, tendance qui empêche ce dernier de se généraliser en Amérique, mais qui pourtant ne doit pas lui ôter la place qu’il tient en France, car il est facile de combattre cette tendance par un lavage au sulfate de fer et quelques modifications apportées à nos usages de culture.

Il est intéressant de savoir quel produit nous pouvons attendre du jacquez, — je cite mes auteurs. M. Aurran, à la Décapris, a obtenu, en 1S80, sur des souches à leur quatrième feuille, taillées à longs bois, 13 kilogrammes de raisin par souche ; les souches taillées court ont donné 4 ou 5 kilogrammes seulement ; le rendement a été d’un peu plus des deux tiers du poids du raisin en vin coloré pesant 12 degrés, estimé 45 francs l’hectolitre. Ceci nous porte à 150 hectolitres environ à l’hectare pour les longs bois et à 50 hectolitres pour la taille courte. M. Lalliman estime la production moyenne de 90 à 100 hectolitres à l’hectare, ce qui me semble fort, comparé aux jacquez de M. Aurran, qui sont dans un milieu tout à fait exceptionnel et reçoivent une taille, un échalassage et des soins aussi éclairés que méticuleux. Cet exemple ne sera suivi que quand on aura bien compris qu’un hectare bien mené donne plus et coûte moins que deux hectares auxquels on mesure les soins. Enfin le docteur Despetis, homme sage qui sait voir, parle d’une moyenne générale de 40 à 70 hectolitres pour le jacquez.