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Les vignes très phyloxérées échappent aussi bien à l’insecticide qu’à la transformation. On parle de trois années pour ramener des vignes malades à l’état fertile par le sulfure de carbone, mais jusqu’ici ce résultat n’a jamais été obtenu, que je sache, tandis qu’avec trois années de patience et moins de frais, une vigne nouvelle peut être plantée, greffée et amenée à sa première vendange.

Les vignes du Bordelais rapportent depuis 650 francs à l’hectare jusqu’à 12,500 ; le plus faible intérêt du capital est de 6 1/4 pour 100 ; le plus fort, de 25 pour 100. Il tombe sous le sens que la dépense de l’insecticide, écrasante sur l’intérêt de 6 1/4, ne pèsera guère sur celui de 25 pour 100. Les frais des sulfu-carbonates ne peuvent être supportés que par des revenus de 10 pour 100 au moins, et encore faut-il pour cela que l’orgueil national se dresse contre la logique des chiffres pour conserver à la France une gloire viticole qui ne survivrait peut-être pas à la transformation américaine.

Passons à la submersion, qui est à essayer partout où elle semble possible. Il ne suffi pas d’avoir de l’eau. Il faut pouvoir en maintenir une couche de 0m, 40 à 0m, 50 d’épaisseur pendant quarante jours pour achever l’asphyxie du phylloxéra. Si la terre est trop perméable, le niveau de l’eau baissera et elle inondera les voisins ; si la terre est, au contraire, trop forte, elle retiendra l’eau trop longtemps, pourrira les racines, amènera l’anthracnose, qui menace autant les espèces françaises que le jacquez.

A Graveson (Bouches-du-Rhône), M. Faucon, l’intelligent promoteur de la submersion, a obtenu des résulats excellens ; une production tombée en 1869 à 35 hectolitres est remontée en 1872 à 849 et en 1875 à 2,480 hectolitres, avec une dépense annuelle de 300 francs à l’hectare. Maintenant on est en droit de se demander si la vigne se soumettra longtemps à cette culture de cressonnière, mais peu importe un avenir inconnu en présence d’une actualité aussi satisfaisante comme revenu. Le vin produit par des vignes submergées est faible, mais il est abondant et trouve des acheteurs.

Tout sable profond contenant deux tiers de silice défiera le phylloxéra et peut être planté en vignes françaises ; mais la condition sine qua non est qu’en s’allongeant, la racine ne rencontre ni sel ni humus et que l’accumulation des feuilles ou les fumures n’amènent pas la cohésion des particules siliceuses entre elles, car cette modification mécanique du milieu le rendrait habitable pour le phylloxéra.

Comme preuve de ce que j’avance, je citerai une plantation de M. Gros, d’Aigues-Mortes, qu’il avait cru améliorer en déposant à sa surface le curage du canal. Le résultat fut mauvais ; les vignes souffrirent jusqu’à ce que leurs racines furent sorties du milieu accessible au phylloxéra. Au Mas-de-Mayo, une vigne dans le sable