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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




14 juin 1881.

Sans doute, en France comme dans tous les pays libres, il se peut que l’opinion prenne feu et que les passions s’animent à propos de quelque question souveraine où de quelque grande réforme faite pour remuer les intérêts populaires, les sentimens les plus profonds. C’est un spectacle qui s’est vu plus d’une fois, qu’on peut revoir encore. Ces mouvemens sont toujours rares, ils sont d’autant plus graves qu’ils sont à peu près irrésistibles, parce qu’ils répondent à des instincts réels et puissans. Le danger est de susciter artificiellement, sans nécessité évidente, de ces mouvemens qui, une fois déchaînés, risquent de dépasser le but en dénaturant la vérité des choses ; le danger, c’est de créer une de ces situations factices, confuses, où tout est disproportionné, où l’on a l’air de faire beaucoup de bruit pour rien, où toute sorte de problèmes que rien n’appelait s’élèvent à la fois, et c’est là peut-être ce qui se passe aujourd’hui à propos de ce duel engagé devant le parlement entre le scrutin de liste et le scrutin d’arrondissement.

Le fait par lui-même n’est pas précisément extraordinaire. Il y a quelques mois de cela, un membre distingué du parlement, animé dés meilleures intentions, a cru de voir prendre l’initiative d’une motion proposant de substituer le scrutin de liste au scrutin d’arrondissement dans les élections prochaines. Cette motion s’est produite le plus paisiblement du monde ; elle a fait d’abord son chemin sans bruit. La question n’a pas tardé pourtant à se compliquer et à prendre une signification politique toute nouvelle, principalement par l’intervention résolue, presque impérieuse, de M. le président de la chambre des députés. Elle a provoqué aussitôt, par des raisons qui ne sont pas toujours avouées, des contradictions et des adhésions également intéressées, si l’on veut. Il en est résulté une singulière incertitude, qui s’est traduite en brusques déplacemens de partis et en votes un peu imprévus. À la chambre des députés, jusqu’à la dernière heure, malgré tous les déploiemens d’éloquence, on a cru que le scrutin d’arrondissement garderait l’avantage, — et c’est le scrutin de liste qui l’a emporté. Au sénat, il n’y a que