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cinq jours de cela, on a cru jusqu’au dernier moment que le scrutin de liste, accepté au Palais-Bourbon, serait ratifié au Luxembourg, et c’est le scrutin d’arrondissement qui est resté définitivement victorieux à une assez grande majorité. Le sénat, en se prononçant en toute indépendance, en votant autrement que la chambre des députés, n’a fait évidemment qu’exercer un droit. Voici cependant qu’un fait si simple a suscité aussitôt les plus singuliers orages, comme si c’était là une question sur laquelle le doute ne fût pas permis, comme si le pays lui-même avait été vaincu avec les partisans d’un certain mode de scrutin. Un moment, on a pu croire que quelque chose d’étrange et de menaçait venait d’arriver, que tout était bouleversé. — Le sénat, c’est bien clair, a ouvert un conflit avec la chambre, et, en repoussant le scrutin de liste, il a montré qu’il serait un éternel obstacle à la politique des réformes républicaines ; il a préparé sa propre déchéance ! Le vote du 9 Juin est la préface de la révision nécessaire de la constitution ! Les esprits extrêmes ont trouvé là une merveilleuse occasion de tracer de nouveaux programmes de révolution, et les plus modérés eux-mêmes, après le vote du sénat, n’ont imaginé rien de mieux un instant que de provoquer la dissolution immédiate de la chambre, au risque d’avoir à faire violence aux scrupules constitutionnels de M. le président de ta république, Bref, il y a eu visiblement dans certaines régions un peu de trouble et de désarroi. Pourquoi donc tout ce bruit et ces agitations fébriles qui ne répondent à rien ? Pourquoi soulever tant de questions inutiles et exagérer la portée d’un débat qui après tout a laissé jusqu’ici l’opinion assez froide ? À quoi bon se complaire à parler sans cesse de conflits, qui n’existent pas, et à rouvrir devant le pays, sous prétexte de révision constitutionnelle, des perspectives révolutionnaires qui ne sont pas de nature à le rassurer ou à le séduire ? C’est justement tout cela qui est disproportionné, qui ressemble à la comédie… Beaucoup de bruit pour rien. Il faut simplement revenir au fait primitif, au seul fait vrai. Il y a eu une proposition qui a suivi son cours, qui a subi les épreuves parlementaires ; elle a été accueillie au palais Bourbon, elle a été repoussée au Luxembourg : la situation reste ce qu’elle a été jusqu’ici. Si la constitution était suffisante et si le sénat était un pouvoir nécessaire, comme M. le président de la chambre des députés le disait il y a quelques jours à Cahors, qu’y a-t-il de changé ? Il n’y a rien de nouveau, si ce n’est peut-être que M. le président de la chambre est un peu moins satisfait qu’il ne l’était avant le 9 juin.

Les exagérations et les dépits ne servent à rien. Que cette agitation d’un moment, à laquelle le vote du sénat a servi de prétexte, dépasse la vérité des choses, cela n’est point douteux. Elle reste évidemment concentrée dans les cerclés parlementaires où se nouent les grandes et les petites combinaisons, dans ce monde des politiques, toujours prompts aux impressions vives et passagères ; elle ne vient pas du pays, elle ne