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Page:Revue des Deux Mondes - 1881 - tome 45.djvu/954

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s’étend pas au pays, elle n’est même pas peut-être parfaitement comprise par l’opinion universelle. Lorsque autrefois on parlait d’une réforme électorale, on pouvait exciter l’intérêt populaire parce qu’il y avait un droit à conquérir pour la masse nationale, jusque-là étrangère à toute vie publique. Lorsque, dans des pays comme l’Angleterre et même l’Italie, la question de l’extension du droit électoral est soulevée, elle a encore la plus sérieuse importance, parce qu’elle touche à tout l’état social, parce qu’elle implique l’avènement de forces nouvelles dans la politique, un progrès nouveau de démocratie. En France, le suffrage universel existe depuis plus de trente ans, il est incontesté désormais, — la question souveraine est tranchée ! Ah ! s’il s’agissait de toucher au suffrage universel, ne fût-ce que pour l’organiser par une hiérarchie puissante ou pour le limiter, comme on l’avait fait un jour par la loi du 31 mai 1850, l’opinion pourrait encore se sentir remuée. Ici il ne s’agit que de choisir entre deux manières de voter, entre le scrutin d’arrondissement et le scrutin de liste, il n’y a pas là de quoi émouvoir sérieusement le pays, demeuré en vérité assez insensible à toutes ces excitations. Le scrutin de liste peut avoir ses avantages, il peut contribuer à relever le caractère politique des élections, c’est possible ; il a aussi, à coup sûr, ses inconvéniens, surtout quand il ressemble trop à une combinaison de circonstance défendue dans un dessein de domination et de prépotence. Le scrutin d’arrondissement, de son côté, a sans doute ses faiblesses, nous le voulons bien ; il a aussi pour sa part ses avantages, ne fût-ce que celui de se prêter à une expression plus directe et plus sincère de l’opinion des électeurs, qui savent mieux ce qu’ils font en nommant leur député. Tout compensé, lequel des deux scrutins vaut le mieux ? On peut assurément choisir en toute liberté après avoir disserté à l’infini, et il faut de singulières préoccupations pour croire qu’une nation lasse d’épreuves va se passionner pour l’uninominal ou le plurinominal, pour se figurer qu’on peut faire de cette option entre deux manières de voter un programme électoral propre à monter les imaginations. La vérité est que c’est une lutte de systèmes qui ne met en jeu aucun principe essentiel, qui n’est arrivée à prendre une apparence de gravité que parce qu’elle s’est compliquée de toute sorte d’antagonismes ou d’intérêts personnels peu avoués, quoique fort bruyans. Le pays, lui, ne s’est senti ni trahi dans ses espérances, ni menacé dans ses droits par la défaite du scrutin de liste, pas plus qu’il n’est arrivé encore à comprendre comment le sénat s’est mis en flagrant délit de provocation à tous les conflits parce qu’il a pris la liberté de voter autrement que la chambre des députés.

Où donc est ce conflit dont on parle sans cesse, qu’on évoque comme un fantôme en certains momens ? que signifie cette politique qui consiste à voir partout des collisions d’autorité, à signaler l’acte le plus simple d’indépendance parlementaire ou de résistance à la volonté d’un