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fines, les gemmes translucides que travaille le graveur de camées et d’intailles ont des propriétés qui ne peuvent se confondre avec celles des métaux que le graveur de médailles emploie pour la frappe ou pour le coulage de ses œuvres. Ce que nous avons dit du marbre et du bronze doit être également observé dans la sculpture en bas-relief. Mais si variés que soient les procédés et la pratique, une question de principe se présente tout d’abord : l’art du bas-relief, pris dans son acception la plus étendue, relève-t il de la sculpture ou de la peinture ? Empruntant à la première son matériel, doit-il rechercher les effets qui sont du domaine de la seconde ? Question intéressante et que nous ne voulons qu’effleurer, mais qui tient sa place dans la théorie de l’art et qui se rattache un peu à la querelle des anciens et des modernes. En effet, dans l’antiquité, les artistes qui ont exécuté des bas-reliefs se sont toujours renfermés dans des données d’une simplicité extrême. Que voyons-nous dans leurs ouvrages ? L’exposé de faits plutôt que l’expression de sentimens, des figures séparées les unes des autres et pour ainsi dire comptées, peu de personnages groupés par plans superposés, des formes rendues autant que possible avec leur proportion réelle, c’est-à-dire sans raccourcis. L’antique fait appel à tout ce qui est de nature à assurer la clarté de la représentation en restant dans les conditions normales de la statuaire. Et cependant il nous a laissé des œuvres infiniment variées, depuis les frontons des temples et les métopes qui sont à toute saillie, jusqu’aux figures tracées d’une pointe légère sur les vases de marbre et aux simples graffites qu’on voit sur les ustensiles de bronze. Tout cela est la raison même ; mais le goût a donné à la raison une parure exquise dans les œuvres des anciens.

Nous engageons les personnes auxquelles nos explications n’auraient point paru claires à se souvenir du bas-relief de M. Levillain : les Pommes de pin. Aucun artiste ne s’est pénétré davantage de la doctrine que nous avons essayé d’exposer et qui est, il faut le dire, à l’état d’instinct chez l’homme, car plus on remonte aux civilisations primitives, plus on en trouve la manifestation. M. Levillain est entré profondément dans l’intelligence du génie grec, et sans pédantisme, mais avec un sentiment très personnel, il a mis dans ses œuvres le parfum de l’antiquité. Les sujets qu’il traite de préférence sont empruntés au cycle de Bacchus. C’est ce que nous fait voir encore son bas-relief de cette année : une femme debout verse du vin dans un vase qu’un jeune homme agenouillé tient devant elle ; en arrière, on aperçoit un autel sur lequel brûlent des pommes de pin offertes. en sacrifice. C’est une de ces scènes qui semblent peu de chose quand on les décrit. Celle-ci, qui ne s’enlève sur le fond que par une légère saillie, est pleine de charme et traitée de tout point dans