page toutes les qualités qu’il a si souvent montrées. Le caractère de sa composition est agréable sans manquer cependant en rien de gravité. Les figures sont élégantes et elles intéressent. La couleur a cette clarté et cette finesse dont l’artiste a le secret et qui lui appartiennent si bien en propre qu’elles ne rencontrent pas d’imitateurs. La scène tout entière se passe dans cet air subtil dont le pinceau de M. Baudry excelle à donner l’idée. Mais seuls, tous ces mérites qui lui sont personnels, si rares qu’ils soient, ne suffiraient pas à constituer la beauté de l’ouvrage que nous admirons. Instinctivement ou autrement, le peintre a fait appel aux règles qui président à l’ordonnance des lignes et à celle des couleurs. Voyez d’abord comment toute la composition est liée depuis les marches du trône, qui lui servent de base, jusqu’à sa partie supérieure ; comment, insensiblement et par une série de points qui s’enchaînent, l’œil se trouve conduit à la figure principale et à la couronne qui est le signe de sa glorification. Les personnages forment une haute pyramide dans l’axe de laquelle la Loi, avec son manteau blanc, fait un point lumineux. Autour de cette note brillante, les bleus, les verts, les rouges et les tons neutres, par la manière dont ils sont répartis et dont ils se répondent, forment un véritable concert. Quand ces conditions, qui peuvent être soumises à l’analyse, sont remplies et qu’elles s’ajoutent à une perspective bien entendue, l’harmonie sensible de l’œuvre est complète et le spectacle qu’elle présente est à la fois ordonné pour les yeux et ordonné pour l’esprit.
Dans tous les arts il y a, à côté de l’invention, une part importante faite à la disposition : c’est sur ce point que nous voulons insister. La peinture est matériellement du domaine de l’optique, et l’optique ayant ses lois, l’artiste doit s’y soumettre. La vision se produit suivant des conditions que la volonté ni le caprice ne peuvent modifier. On sait assez que nous ne pouvons, en principe, représenter les choses autrement que nous ne les voyons : la perspective nous fournit le moyen de créer des images normales. Mais ce que nous voulons dire pour engager tant de peintres à recourir à cette science trop négligée par eux, c’est que les impressions les plus vives causées par une œuvre d’art, c’est que l’idée de beauté qui s’en dégage, ne peuvent nous toucher qu’à la condition que les lignes, les formes et les couleurs soient associées de manière à produire en nous les sensations régulières que nous recevons de la nature. L’esprit trouvera l’idée d’une représentation artistique, il en déterminera le caractère et l’expression ; mais ce n’est pas de combinaisons purement intellectuelles que dépend l’effet définitif. Dans l’arrangement des parties, l’œil intervient sans cesse comme un organe soumis à des lois propres, et, affirmons-le, ce qui ne serait