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Femmes ; mais ces dernières poussent naturellement les sanglots les plus profonds, les plaintes les plus aiguës et les plus stridentes.

La prière que récitent les Juifs dans cette cérémonie des pleurs est une sorte de litanie où la voix du rabbin alterne avec celle du peuple. En voici un fragment qui donnera l’idée du reste :

Le Rabbin. — À cause du palais qui est dévasté ;
Le Peuple. — Nous sommes assis solitairement et nous pleurons.
Le Rabbin. — À cause du temple qui est détruit ?
Le Peuple. — Nous sommes assis, etc.
Le Rabbin. — À cause des murs qui sont abattus ;
Le Peuple. — Nous sommes assis, etc.
Le Rabbin. — À cause de notre majesté qui est passée ;
Le Peuple. — Nous sommes assis, etc.
Le Rabbin. — À cause de nos grands hommes qui ont péri ;
Le Peuple. — Nous sommes assis, etc.
Le Rabbin. — À cause des pierres précieuses qui sont brûlées ;
Le Peuple. — Nous sommes assis, etc.
Le Rabbin. — À cause de nos prêtres qui ont trébuché ;
Le Peuple. — Nous sommes assis, etc.
Le Rabbin. — À cause de nos rois qui les ont méprisés ;
Le Peuple. — Nous sommes assis, etc.

Ce chant est celui de la désolation et de la ruine ; mais il y a aussi les chants de l’espérance. En voici un exemple :

Le Rabbin. — Nous vous en supplions, ayez pitié de Sion !
Le Peuple. — Rassemblez les enfans de Jérusalem !
Le Rabbin. — Hâtez-vous, hâtez-vous, sauveur de Sion !
Le Peuple. — Parlez en faveur de Jérusalem !
Le Rabbin. — Que la beauté et la majesté entourent Sion !
Le Peuple. — Tournez-vous avec clémence vers Jérusalem !
Le Rabbin. — Que bientôt la domination royale se rétablisse sur Sion !
Le Peuple. — Consolez ceux qui pleurent sur Jérusalem !
Le Rabbin. — Que la paix et la félicité entrent dans Sion !
Le Peuple. — Et que la verge de la puissance s’élève à Jérusalem !

Étrange illusion de ce peuple décimé, dispersé, mille fois vaincu, qui n’a plus dans sa propre patrie que quelques pierres chèrement louées à sa douleur et qui cependant, en face de ces pierres-rongées par ses larmes, invoque encore pour Sion la paix, la prospérité, la verge de la puissance ! Jamais les Israélites n’ont pu se décider à