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duquel il offre le plus d’analogie. Son sol est riche en mines d’argent, de cuivre, de houille, de plomb, de fer, admirablement adapté à la culture des céréales et à l’élève du bétail. Le long de la côte, des ports sûrs attirent et retiennent un grand nombre de navires : Coquimbo, Valparaiso, le plus vaste entrepôt commercial de l’Amérique du Sud, Concepcion, Talcahuano, Valdivia, Punta Arenas, la plus méridionale des parties civilisées du globe. Sa population est d’environ deux millions et demi, soit une moyenne de dix habitans par mille carré, mais si la superficie du Chili dépasse de beaucoup celle de l’Italie, qui possède deux cent quarante-huit habitans par mille carré, il importe de tenir compte de ce fait qu’un tiers seulement du sol italien est improductif et qu’il n’y a guère qu’un quart du sol du Chili qui soit cultivé. Par sa position géographique, que nous venons d’esquisser brièvement, le Chili est forcément un pays maritime, agricole et commercial. L’Océan, sur lequel il déroule son immense façade, est la voie naturelle d’un point à l’autre de son territoire. L’Océan aussi est le seul côté par lequel on puisse l’assaillir. Les Andes, aux défilés étroits, aux cols inaccessibles, l’abritent et le défendent contre toute attaque par le continent. Au nord et au sud, il est inabordable. La mer est son domaine naturel. Par elle il exporte ses produits, il importe ce qui lui manque ; par elle il est en communication avec le monde ; accessible, vulnérable par elle seule, il a dû concentrer ses efforts sur ses côtes, créer une marine marchande pour les besoins de son commerce, une marine militaire pour sa défense, des fortifications pour ses ports.

Un pays, avec ses frontières naturelles, ses accidens de terrain, montagnes, plaines ou vallées, cours d’eau, sol, climat, produits, est le moule dans lequel une nation grandit ou s’étiole, prospère ou meurt, suivant que l’harmonie s’établit ou se rompt entre son génie propre et le milieu dans lequel elle se meut. Un peuple est plus ou moins colonisateur, suivant qu’il se plie plus ou moins facilement aux conditions géographiques et climatologiques des pays autres que le sien. La race espagnole, qui a peuplé l’Amérique du Sud, dont les descendans occupent encore en maîtres le sol conquis par leurs ancêtres il y a trois siècles, mérite de figurer au premier rang des races essentiellement colonisatrices. Sobre, brave, dur à la fatigue, l’Espagnol a subi, sans y perdre aucune de ces qualités de sa race, la transplantation sur un continent nouveau. Tel il nous apparaît en Europe, tel nous le retrouvons en Amérique. Là où le génie aventureux de ses navigateurs l’a entraîné, il a pris racine avec une étonnante ténacité. La puissante république des États-Unis n’a pu lui arracher la Floride qu’à prix d’argent, le Texas et la Californie