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été ramenée à exécution, elle aurait jeté la république dans des dépenses plus considérables. Par quelle fatalité nous oppose-t-on de pareilles objections lorsque nous proposons un plan simple et organique d’instruction nationale ? .. Le projet de vandaliser la France pour l’asservir aurait-il donc survécu au moderne Pisistrate ? »

L’argument de Robespierre était alors sans réplique ; il nous paraît moins concluant aujourd’hui. Lakanal eut aussi quelque peine à défendre son programme d’études, que beaucoup de membres de la convention trouvaient excessif, étant donné surtout qu’il s’appliquait aux deux sexes.

Baraillon, entre autres, en fit la critique en termes assez piquans : « J’attends, dit-il, en se résumant, que l’on me prouve qu’il importe au sexe de savoir l’arpentage. » Le mot portait juste.

Un autre membre, Leflot, demandait « qu’on établît des peines contre les parens qui n’enverraient pas leurs enfans aux écoles. » C’était revenir au principe de l’éducation impérative que le décret du 29 frimaire avait déjà consacré, mais qu’on n’avait encore appliqué nulle part. La motion ne fut pas appuyée : elle rappelait de trop mauvais jours.

Le décret du 7 ventôse an III. — Nous entrons ici dans une phase nouvelle de l’histoire de l’instruction publique pendant la révolution. Depuis trois ans, les écoles primaires avaient été la principale, on pourrait dire l’unique préoccupation de la convention. Toutes ses pensées, tous ses efforts s’étaient tournés de ce côté. Soit que l’organisation des autres degrés d’enseignement lui parût moins urgente, soit que l’idée qu’elle s’en formait fût encore trop confuse, elle avait toujours ajourné cette partie de sa tâche. Cependant la suppression des collèges et des universités avait apporté dans les habitudes et les besoins des classes intermédiaires, un trouble au moins égal à celui qui était résulté pour les classes rurales de la fermeture ou de l’abandon des petites écoles. La bourgeoisie provinciale, surtout, regrettait beaucoup ces maisons où elle avait été élevée ; réduite à placer ses enfans dans quelques mauvais pensionnats qui s’étaient organisés à la hâte, ou chez des professeurs particulière, ce qui lui coûtait fort cher, elle souffrait à la fois dans ses affections et dans ses intérêts. Pendant la terreur et tant qu’avait vécu Robespierre, elle s’était tue. Après le 9 thermidor, auquel elle avait bruyamment applaudi, on lui devait bien quelque satisfaction.

Le comité d’instruction publique, en tout cas, jugea le moment venu de s’occuper du second degré d’enseignement, et chargea son président Lakanal de présenter à la convention un rapport et un projet de décret sur la matière. Lu dans la séance du 26 frimaire