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nos ancêtres nommaient des « gresseries, » et qui, depuis deux cents ans exploitées pour le pavage de nos rues (comme pour la construction des maisons dans le pays), menacent aujourd’hui de se tarir dans les principales carrières. Sur certains points, le ciment calcaire n’a pas été suffisant, et le grès est resté friable ; ailleurs l’incrustation n’a formé que des blocs dans la mer de sable. Dans les ravinemens qu’a subis le sol parisien à chaque grande perturbation, le sable violemment emporté par les eaux a abandonné ces blocs et les a laissés, dépourvus de soutien, osciller et tomber les uns sur les autres : de là ces entassemens étrangement superposés, recelant entre leurs flancs disjoints des grottes converties en « curiosités naturelles, » le tout soigneusement relevé sur les guides pour l’ébahissement des touristes et pour la fortune des aubergistes.

Tel est le sol. Le climat y correspond, sec et extrême. Quand il a plu sur le sable de Fontainebleau, on peut y marcher après la pluie sans se mouiller les pieds, et l’évaporation n’enrichit pas longtemps l’atmosphère. Cette sécheresse, jointe à l’odeur balsamique des pins et des genévriers, si abondans dans la forêt, donne au climat de Fontainebleau des qualités hygiéniques particulières. Trop excitant pour les personnes nerveuses, il convient à merveille aux gens lymphatiques et à certaines variétés d’affections pulmonaires que l’on a retirées du cadre de la phtisie.

Les productions naturelles, on le conçoit, doivent se ressentir beaucoup de ces caractères du sol et du climat. Nous nous bornons ici au règne végétal. On comprend déjà qu’il y aura dans la forêt de Fontainebleau trois flores, celle des forêts humides, correspondant au calcaire de Brie, celle des sables, et celle des calcaires de Beauce. De ces trois flores, celle du calcaire inférieur ne donnera aucune espèce qu’on ne puisse recueillir sur d’autres points de nos environs, mais elle réunira un groupe de plantes telles que Ranunculus nemorosus, Carex depauperata, Bromus asper, Athyriuma, Filix femina, c’est-à-dire la végétation qu’on a pu observer au commencement de l’herborisation de Chailly à Fontainebleau, sous la futaie élevée du Bas-Bréau, dont la fraîcheur est due à l’humidité du terrain. La flore du sable, dont les bruyères sont l’élément prédominant, est une flore pauvre où des espèces silicicoles vulgaires (Corynephorus canescens, Scleranthus perennis, Ornithopus, perpusillus) sont abondantes avec d’autres espèces, silicicoles également, mais plus rares et comme caractéristiques (Sorbus latifolia, Ranunculus gramineus et chœrophyllos, Alsine setacea, Carex ericetorum et montana, Sedum sexangulare, Erica scoparia, plusieurs Helianthemum, Scabiosa suaveolens, etc.). Un fait de géographie très curieux est la différence de végétation que présentent les mares de la forêt, selon qu’elles se rencontrent dans les