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vives préoccupations de la France. Les faits par eux-mêmes sont assurément assez sérieux. L’expédition, de Tunis a été, il est vrai, déclarée officiellement close, et le rappel d’une partie du corps expéditionnaire envoyé dans la Tunisie a semblé confirmer cette déclaration. Jusqu’à quel point cependant cette campagne est-elle réellement finie ? La question reste encore passablement obscure. La vérité est que, si un traité constituant le protectorat français a été signé avec le bey, s’il y a aujourd’hui à Paris un ministre du prince tunisien chargé sans doute de compléter les arrangerons qui ont été conclus, rien n’est fini dans la régence même, où les événemens inquiétans se succèdent. Le récent assassinat d’un de nos officiers, M. le capitaine de Mattei, aux portes d’un café, prouve la violence du fanatisme musulman. D’un autre côté, au sud de Tunis, sur la frontière tripolitaine, dans la ville de Sfax et autour de Sfax, a éclaté un mouvement insurrectionnel qui a nécessité l’envoi d’une force navale, un bombardement de la ville, — qui détermine encore, à l’heure qu’il est, le départ de nouveaux contingens français peu après le rappel d’une partie du corps expéditionnaire primitif. Il est clair que la France, pour sa sûreté, pour l’autorité de son protectorat, va se trouver conduite par les événemens à occuper quelques points, Sfax, Gabès, peut-être Kairouan, qui est un peu plus dans les terres, qui est un foyer de propagande musulmane. Elle se trouve désormais, sur cette frontière tripolitaine, en face d’une fermentation religieuse et guerrière que la Sublime-Porte a l’air de désavouer diplomatiquement, qu’elle entretient néanmoins et par ses excitations et par des envois de troupes à Tripoli. La Turquie, à ce qu’elle assure, ne veut que maintenir l’ordre dans le vilayet de Tripoli, — et, sous ce prétexte, elle a envoyé un pacha qui s’occupe à organiser des contingens, à souffler la guerre autour de lui, qui a commencé par refuser de reconnaître le protectorat français sur les Tunisiens, tel qu’il est fixé par le traité du Bardo. C’est donc là une situation assez difficile, qui exige une vigilance aussi attentive qu’énergique. Si la première campagne contre les Khroumirs est finie, les complications qui peuvent en être la suite sont loin d’être dissipées. C’est une autre phase pleine d’inconnu qui commence ; mais ce qu’il y a de plus grave, ce que les hommes accoutumés à l’Afrique avaient vu dès l’origine, c’est que cette affaire de Tunis n’est en définitive qu’un épisode dans l’agitation musulmane qui menace l’intérieur de nos possessions algériennes, qui se propage depuis quelque temps déjà des frontières tunisiennes et tripolitaines à la frontières du Maroc.

C’est le point grave, en effet. Cette insurrection nouvelle, qui est une épreuve de plus pour l’Algérie, qui a coïncidé avec la marche de nos soldats sur Tunis, elle ne s’est pas manifestée partout à la fois sans doute. Elle n’a pas pris le caractère d’un soulèvement décidé dans les provinces d’Alger et de Constantine. L’esprit de révolte a pu être