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parce que, plus que tout autre, il représente le commandement pour les Arabes, parce qu’il est la force vivante et visible aux yeux de populations qui ne s’inclinent que devant la force. Oh ! assurément, s’il se rencontrait un politique supérieur réunissant tous les caractères, ayant tous les dons du conseil et de l’action, fait pour être la tête de l’administration militaire aussi bien que de l’administration civile, la question serait singulièrement simplifiée, ou plutôt elle n’existerai ! pas. A défaut de cet homme exceptionnellement supérieur, qu’on ne paraît pas avoir sous la main, qui du moins n’est pas pour le moment à Alger, le parti le plus sage reste toujours manifestement de ne pas violenter la nature des choses, de maintenir ou de rétablir la seule autorité possible, efficace dans un pays où la première loi est d’être sans cesse sous les armes On a cru faire merveille en donnant à l’Algérie des députés, des préfets, un chef civil, une organisation à peu près française, sauf pour les affaires indigènes, — et on n’est arrivé qu’à une véritable confusion.

Qu’on se rende, compte de ce système d’assimilation et de gouvernement civil tel qu’il existe aujourd’hui. Rien ne semble plus simple ; au fond, rien n’est plus compliqué, plus obscur et plus incertain. Le gouverneur a sans doute l’apparence d’un grand pouvoir ; il représente la France, l’autorité souveraine sur la terre d’Afrique. Par le fait, il a sans cesse à se débattre au milieu du toutes les contradictions. Il n’y a que quelques mois, le gouverneur actuel, M. Albert Grévy, dans un rapport, posait ces singulières questions : « Quelles sont exactement aujourd’hui les attributions respectives du gouverneur-général et des ministres ? .. Quelles sont exactement aujourd’hui les attributions spéciales du ministre de l’intérieur au regard du gouverneur-général et des autres ministres pour toutes les affaires de l’Algérie ? .. » Le fait est qu’une réponse claire, précise à ces étranges questions n’est pas facile et qu’on ne distingue qu’une chose, c’est que ce gouverneur civil est dans une position où il n’est pas toujours sûr de se reconnaître lui-même. Bon nombre de services, cultes, justice, instruction publique, lui échappent ; ils sont directement rattachés aux divers ministères de la métropole, qui, de loin, de Paris, adoptent souvent des mesures et choisissent des fonctionnaires sans consulter suffisamment les intérêts locaux. Pour le reste, le gouverneur a tout à la fois à compter avec le ministre de l’intérieur et avec le ministre de la guerre, — avec le premier pour la direction politique, et civile, avec le second pour la direction des affaires militaires. Il commande en effet ou il est censé commander les forces de terre et de mer ; en réalité, il a tout juste assez d’autorité pour diminuer ou effacer les chefs de l’armée, pour être une embarrassante inutilité entre le ministre de la guerre, qui est à Paris, et les commandans directs, qui sont en Algérie. Que résulte-t-il de tout cela ? Il en résulte, en vérité, ce qui arrive aujourd’hui.