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Telle était l’illusion dont on se berçait. Les circonstances qui l’ont dissipée et qui ont décidé la spéculation à ne pas attendre le concours des capitaux provenant des paiemens de coupons et à liquider sans retard sont les événemens d’Algérie et de Tunisie et la conclusion de l’emprunt italien.

L’insurrection sera domptée, nul n’en doute ; mais les péripéties de la répression peuvent être très variées. Il a été commis dès le début bien des fautes, et on ne peut prévoir à quel prix il sera possible de les réparer. On comprend que les banquiers et la grande spéculation aient tenu à ne pas rester sous l’impression de motifs d’inquiétude, susceptibles d’aggravation subite. De là ces ventes rapides des derniers jours, cette préoccupation visible d’alléger coûte que coûte les positions, cette volonté de ne pas hisser derrière soi des engagemens trop étendus. Mais l’affaire de l’emprunt italien a pesé plus lourdement encore sur le marché que les événemens d’Afrique ; d’un côté, parce que les incidens qui ont précédé et suivi notre expédition de Tunisie ont contribué à susciter contre cette opération une sorte de mauvais vouloir général inspiré par des considérations d’ordre purement politique ; de l’autre, parce que des efforts très manifestes ont é : é faits depuis quatre ou cinq jours, sur le terrain exclusivement boursier, pour entraver dans la mesure du possible le succès de l’émission.

La situation politique n’a pas permis que l’émission eût lieu actuellement en France. La maison de Rothchild voulait que le gouvernement italien attendît jusqu’au mois d’octobre. M. Magliani a passé outre et s’est tourné du côté de l’Angleterre. Devant l’abstention des Rothschild, aucune maison de banque française n’a cru pouvoir présenter hautement l’emprunt italien à Paris et c’est avec MM. Baring et Hambro de Londres que le ministre des finances d’Italie a contracté. On sait cependant que la Banque d’escompte a pris une grosse participation dans l’affaire, pour elle-même et pour plusieurs établissemens de crédit. La moitié de l’emprunt a été émise le 13 courant au pris de 90 pour 100, les versement sont espacés jusqu’au 10 janvier 1882. On a pesé sur les cours de l’italien jusqu’au jour de l’émission, et l’écart entre le cours de la rente ancienne et le taux fixé pour la nouvelle est devenu à peu près nul. On ne saurait dans de telles conditions préjuger le résultat de l’opération.

C’est au point de vue économique que l’emprunt italien a soulevé les objections les plus sérieuses. Il est bien clair que, s’il ne s’agissait que du montant même de la somme que veut emprunter le gouvernement italien, les préoccupations seraient nulles. Mais la loi suri abolition du cours forcé en Italie a voulu que l’emprunt eût ce résultat précis de faire entrer en Italie 400 millions en or, destinés, une fois entrés dans le pays, à n’en plus sortir. Sans examiner si les prescriptions de la loi sur ce dernier point ne doivent point se heurter à des obstacles