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invincibles, le seul fait que les réservoirs métalliques actuellement existans doivent fournir en deux ans 400 millions d’or à l’Italie peut causer de légitimes inquiétudes, parce que le déplacement d’un tel stock de monnaies, après les saignées que l’Amérique a déjà pratiquées à Londres et à Paris depuis deux ans, ne s’effectuera peut-être point sans qu’il en résulte une perturbation grave sur les deux marchés monétaires. Il y a huit jours, on redoutait déjà une élévation du taux de l’escompte à la Banque d’Angleterre et on estimait que la Banque de France ne tarderait pas à suivre l’exemple.

Nous croyons qu’il y a beaucoup d’exagération dans les craintes que fait concevoir l’exode des 400 millions d’or. A Londres, le monde financier ne paraît nullement s’en émouvoir ; il est certain que les contractais, MM. Baring et Hambro, ont prévu les difficultés monétaires à vaincre et pris les mesures nécessaires. Les versemens d’espèces ont été stipulés à longue échéance, et le jeu naturel des échanges internationaux aura sans doute déjà fait rentrer en France et en Angleterre une partie de l’or exporté bien avant que l’expédition de la somme entière ait été effectuée.

Quoi qu’il en soit, la Bourse a dû supporter cette quinzaine, en dehors de l’action des causes générales de faiblesse, le contre-coup des préventions et des hostilités dont l’emprunt italien a été l’objet.

Un regard jeté sur la cote suffit pour juger de l’étendue qu’ont prise les réalisations, depuis la fixation discours de compensation le 1er et le 2 juin. Le 5 pour 100, seul de nos fonds publics, se retrouve au même cours, 119.25, ce qui implique la perte intégrale du report. Les 3 pour 100, en faveur desquels de nombreuses opérations d’arbitrage avaient été faites en mai et en juin, ont perdu plus de terrain que le 5 pour 100. Le 3 pour 100 ancien a reculé de 0 fr. 75, l’amortissable de 0 fr. 65, l’emprunt nouveau de 0 fr. 87. On sait que l’emprunt de 1 milliard en amortissable est encore à peu près exclusivement entre les mains des banquiers et des établissemens de crédit qui l’ont souscrit par spéculation. Un versement de 200 millions devra être effectué à partir du 16 courant sur cet emprunt ; comme la Banque offre son concours pour ce versement, le marché n’a pas à se préoccuper des conséquences immédiates qu’il pourrait avoir sur le prix des capitaux.

Les grandes valeurs ont été les plus éprouvées, et on ne saurait s’en étonner, la spéculation les ayant successivement poussées toutes à des cours qui les rendaient désormais inaccessibles à l’épargne. Il n’est point de titres plus estimés que les actions de nos grandes compagnies de chemin de fer. Mais les prix auxquels elles étaient parvenues, prix qui seront un jour justifiés et légitimement atteints, étaient en avance de plusieurs années. Aussi la baisse s’est-elle abattue sur ces actions, comme s’il s’agissait de mauvais titres abandonnés subitement par la