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obtenir nécessairement les préférences du public. L’état a emprunté un milliard et demi en rente amortissable, et un milliard sous la forme d’obligations sexennaires et de bons du trésor. Le gouvernement, par le maintien de la caisse des chemins vicinaux, par la création de la caisse des écoles et de la caisse des lycées, par des demandes de concours financiers pour l’exécution, des chemins de fer et des canaux, a poussé autant qu’il l’a pu les départemens, les villes et les communes dans la voie des emprunts. Cependant, comme les fonds d’une partie de ces emprunts ont été demandés au Crédit foncier, pour ne pas nous exposer à de doubles emplois, nous ne tiendrons compte que des appels faits directement au public, et nous porterons seulement à 500 millions les émissions des départemens, des villes et des chambres de commerce, et les obligations négociées par les grandes compagnies de chemins de fer. Nous voici à 3 milliards. Les émissions du Crédit foncier, tant en obligations communales pour prêts aux communes, qu’en obligations foncières pour prêts à la propriété se sont élevées à 1 milliard. Est-ce aller trop loin que de porter également à 1 milliard les emprunts étrangers émis sur la place de Paris ? Viennent enfin les émissions d’actions et d’obligations faites soit par des sociétés financières ou industrielles déjà existantes pour accroître leur capital social, soit par des sociétés nouvelles pour se constituer. Ces émissions s’étaient élevées en 1878 à 1,223 millions ; en 1879, ce chiffre a plus que doublé, il est arrivé à 3 milliards 53 millions ; il a dépassé 4 milliards en 1880, et pour les six premiers mois de 1881, il est de 2 milliards 353 millions. La récapitulation de tous ces chiffres donne 14 milliards et demi de valeurs nouvelles mis sur le marché français en deux ans et demi. Encore n’est-il pas tenu compte des majorations qui ont été demandées pour un très grand nombre des titres émis ; pour connaître avec exactitude la somme totale de ces majorations, il faudrait faire le dépouillement de tous les prospectus d’émission, le ministère des finances et la chambre syndicale des agens de change ont seuls les moyens d’établir, ce compte avec exactitude.

Contentons-nous de dire approximativement qu’il a été demandé 15 milliards au marché français, c’est-à-dire le triple de la somme à laquelle les calculs les plus optimistes permettent d’évaluer les épargnes de la France pendant la même période, en supposant qu’elles aillent exclusivement à la bourse. Cependant toutes ces valeurs ont été prises ou sont réputées l’avoir été : un très grand nombre ont fait des primes qui dépassent certainement 2 milliards pour l’ensemble des émissions. A en croire les journaux financiers d’une date encore récente, tout le monde s’applaudissait des