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Ve et de la VIe dynastie, M. Maspero et ses élèves nous les traduiront bientôt. Voici ce que le maître annonce et proclame dès aujourd’hui, sans craindre d’être démenti par la publication et le déchiffrement des inscriptions : ces documens prouveront que, dès le temps de l’Ancien empire, l’Égypte avait déjà créé, qu’elle adorait déjà tous les dieux en l’honneur desquels se sont élevés plus tard les somptueux édifices des Aménophis, des Seti et des Ramsès. Quelque haut que l’on remonte dans ce passé dont les profondeurs, comme celles d’un gouffre béant, donnent le vertige à l’imagination, toujours on trouve l’Égypte déjà formée, adulte déjà et pourvue de tous ses organes, maîtresse des pensées qu’elle développera et pénétrée des croyances dont elle vivra durant tant de siècles. Il semble que, dans cet étrange pays, la civilisation n’ait pas eu de commencement. Pour mieux dire, les monumens les plus anciens que nous puissions atteindre, en remontant le cours des âges, sont bien loin encore de nous conduire jusqu’aux origines mêmes de cette langue et de cette écriture, de cette religion et de l’art qui en traduit les conceptions ; ils nous laissent, ils nous abandonnent bien en deçà du temps où cette aïeule des nations, aidée par les bienfaits du fleuve qui venait à jour fixe fertiliser ses campagnes, s’est essayée à sortir de la barbarie et a créé la première société policée qu’aient éclairée les rayons du soleil de l’Orient.

Ce sont des tombes et des sarcophages, ce sont des inscriptions et des papyrus funéraires qu’a retrouvés, cet hiver, M. Maspero. L’an prochain, tout en continuant l’exploration de ces nécropoles dont il n’épuisera point les trésors, il se propose de faire, à Thèbes, pour les temples de Medinet-Abou et de Louqsor, ce que Mariette a fait, au même endroit, pour ceux de Karnak et de Deir-el-bahri, ce qu’il a fait ailleurs pour ceux d’Abydos et de Dendérah. Il les dégagera des masures qui les obstruent et des amas de décombres et de sables qui nous cachent encore tant de curieuses dispositions, tant de représentations intéressantes et de textes précieux. Ces travaux, que facilitera, nous l’espérons, l’ordre remis par la France et l’Angleterre dans les finances de l’Égypte, peuvent beaucoup changer et beaucoup ajouter aux idées que nous nous faisons aujourd’hui de l’architecture funéraire et de l’architecture religieuse de l’Égypte. Les résultats auxquels on arrive en étudiant la tombe et le temple conservent donc encore, à certains égards, un caractère provisoire, et il en sera ainsi, surtout pour le temple, jusqu’au moment où tous les grands édifices religieux auront été complètement déblayés et où le plan, où tous les détails en auront été relevés avec plus de soin et d’exactitude qu’ils ne l’ont été jusqu’à présent.

Il est au contraire un sujet que l’on peut traiter dès maintenant