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d’environ 25 mètres ; d’autres rues, plus étroites, paraissent la couper à angle droit ; dans quelques-unes, deux chariots pouvaient à peine passer de front. Le quartier principal était au nord, dans le voisinage d’une vaste enceinte rectangulaire qui renfermait le temple du dieu nouveau, du disque solaire. On remarque dans cette partie de la ville les débris d’importantes demeures, pourvues de cours spacieuses. Il y a surtout, à l’ouest de la grande rue, un édifice que Prisse appelle le palais ; on y remarque de nombreux piliers de brique serrés les uns contre les autres. Ces piliers étaient-ils destinés à supporter les planchers et à les préserver ainsi de l’humidité du sol ? Pour répondre à cette question, il faudrait des renseignemens plus précis. Dans le sud de la ville, ce sont au contraire de petites maisons, toutes contiguës les unes aux autres, qui ne sont représentées que par des pans de murs et des tas de décombres. C’était le quartier des pauvres.

Nous ne pouvons même pas faire cette distinction pour Thèbes ; nous ignorons où étaient les palais royaux et les demeures des grands. Tout ce que nous savons, c’est que la ville proprement dite était sur la rive droite ; ses maisons enveloppaient les deux groupes d’édifices religieux que nous désignons aujourd’hui sous les noms de Louqsor et de Karnak. Elles étaient séparées en quartiers, par de grandes voies, dont quelques-unes étaient bordées de sphinx et conduisaient du fleuve aux temples principaux ou de Louqsor à Karnak ; c’étaient les δρόμοι dont parlent souvent les écrivains grecs ; d’autres voies sont désignées par les papyrus démotiques sous le titre de βασιλική ῥύμη, rue Royale[1]. Les pâtés de maisons que circonscrivaient ces avenues étaient coupés de ruelles étroites. L’ensemble de ces quartiers de la rive droite formait la ville proprement dite, la Diospolis des Grecs, ainsi nommée à cause du grand temple d’Ammon qui en formait le centre. La rive gauche était une sorte de faubourg, habité surtout par tout ce peuple d’embaumeurs et de prêtres qui vivait des morts, par tout ce qui tenait, de près ou de loin, à l’industrie des pompes funèbres, comme nous dirions aujourd’hui. Toute cette ville de l’Occident était, au temps des Lagides et des Romains, appelée les Memnonia[2].

  1. On aura une idée de la disposition de ces voies principales par l’esquisse topographique d’une partie du plan de l’ancienne Thèbes que donne Brugsch-Bey dans la Revue égyptologique de M. E. Révillout, 1880 (pl. 12 et 13).
  2. Dans leur langue, les Égyptiens appelaient les édifices tels que le Ramesséum ou Médinet-Abou mennou, les monumens qui restent éternellement pour rappeler un souvenir. Les Grecs tirèrent de ce mot leur terme μεμνόνια, car ils pensaient reconnaître dans mennou le nom du héros homérique Memnon, auquel ils attribuaient également les fameux colosses de la plaine de Thèbes. (Ebers, l’Égypte ; du Caire à Philœ, p. 280.)