la mère, il n’y a qu’un père qui vaille, et tout le monde, en l’espèce, ne serait que synonyme de personne. J’entends d’ailleurs que M. Fabre, et avec lui M. Villemain, ne prétendent pas nous donner Pathelin pour un exemple de génération spontanée. Ils savent que toute rivière a sa source : ils rappellent seulement que les petits ruisseaux font souvent les grandes rivières et que parfois on distingue mal un fleuve de ses affluens. Oui-dà ; mais de Pathelin, aussi loin que nous remontions, le cours est nettement marqué ; Pathelin coule d’une seule venue, et s’il charrie des souvenirs de plusieurs provinces, il n’en est qu’une, soyez-en sûrs, qui puisse se targuer de l’avoir vu naître. Laquelle ? nous ne la connaissons pas : faut-il pour cela lui faire tort ? Même j’admettrai difficilement la thèse accessoire de M. Fabre, à savoir que Pathelin est composé d’au moins deux farces, l’une rédigée sous le règne du roi Jean, où l’on voit le drapier Guillaume dupé par maître Pierre ; l’autre, quarante ans plus tard, sous le règne de Charles VI, où l’on voit maître Pierre dupé à son tour par Aignelet. Vainement M. Fabre fait valoir que cette hypothèse le tire des perplexités où l’a jeté l’examen des différentes monnaies citées vers le commencement et vers la fin de la pièce, vainement il soutient que si nous voyons un lien nécessaire entre cette première partie et cette seconde, nous devons en voir un aussi entre cette seconde et une autre farce, le Testament de Pathelin. Pour quiconque est un peu touché par la valeur dramatique d’un ouvrage, il est évident, d’une évidence supérieure à tous les calculs financiers, et qui les juge et les condamne, il est évident que le Testament de Pathelin n’est qu’un épilogue postiche, une Suite de Pathelin écrite après coup, comme le Nouveau Pathelin, par un rimeur désireux de profiter de la vogue du personnage, mais nullement doué pour le théâtre, ou du moins pas davantage que dix, vingt ou trente de ses contemporains ou de ses devanciers. Au contraire, la farce de Maistre Pierre Pathelin, depuis le premier vers jusqu’au dernier, forme un tout animé de la vie propre du drame ; en retrancher une partie ne serait pas la diminuer, mais l’amputer, et ne prouverait pas un critique, mais un barbare. Quel en fut l’auteur ? Pierre Blanchet, avocat de Poitiers, comme le veut une tradition regrettée par M. Lacroix, ou bien, comme le souhaite M. Génin, Antoine de la Sale, rédacteur des Cent Nouvelles nouvelles, auteur de Petit Jehan de Saintré et des Quinze Joies du mariage ? Ce fut l’un ou l’autre, ou bien un troisième, voilà le sûr ; et le sûr aussi est que cela importe peu. Même il ne me chaut guère si cette farce fut composée vers 1380 ou vers 1460, quoique j’incline plutôt, avec M. Magnin, pour la première de ces dates.
L’unique point que je retienne et maintienne, c’est que Pathelin n’est pas une rhapsodie, mais l’œuvre d’un seul homme, au moins dans ses parties essentielles, et que ces parties ne sont pas rattachées l’une à