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fait est de nous montrer combien il nous en reste à faire. Le problème ici n’est pas résolu, mais on peut dire qu’il ne paraît pas insoluble. Les peuples, comme les individus gardent toujours quelque trace d’une origine commune. Le temps et la vie, qui modifient entièrement les caractères et les habitudes, ne parviennent pas à effacer chez eux tous les signes auxquels la race primitive se reconnaît. Ils ont beau être épris de nouveautés, renoncer avec une sorte de passion à leurs usages, à leurs croyances d’autrefois, ils ne peuvent pas tout détruire. Il arrive que, parmi tous ces changemens qui déconcertent la critique, un petit détail se retrouve, insignifiant en apparence, mais qui permet de rétablir la parenté des peuples entre eux et renoue le fil rompu. J’en veux citer un exemple. Tous les archéologues connaissent ce qu’on appelle « la croix gammée. » C’est une croix dont chaque bras se termine par une ligne perpendiculaire, ce qui lui donne la forme de la lettre grecque qu’on appelle gamma (signe). Ce signe est fort ancien, puisqu’il existe déjà chez les brahmanes. Eugène Burnouf nous dit qu’on l’appelle en sanscrit svastika, c’est-à-dire signe de bénédiction et de bon augure, et que le Râmâyana parle en un endroit de vaisseaux qui en ont été marqués pour obtenir la faveur des dieux. Quelle n’est pas notre surprise de le voir inscrit aussi sur certaines tombes de la Gaule d’une époque très reculée ! Qui donc l’a porté des rives de l’Indus aux bords de l’Océan-Atlantique ? Comment a-t-il pu voyager, à travers de si longs espaces, en un temps où les nations ne communiquaient guère entre elles ? Ce n’est pas tout, et, après un long intervalle, nous le voyons reparaître dans les cimetières chrétiens de Rome. Les pauvres gens qui s’y sont fait enterrer n’ont pas oublié ce signe ancien et respecté, et il leur a paru propre à représenter leur foi nouvelle. C’est ainsi que se raniment de temps en temps les souvenirs du passé qui ne sont qu’assoupis quand on les croit éteints. Ils se transmettent mystérieusement, ils persistent à durer chez les diverses nations détachées d’une même souche et y conservent quelque marque de la parenté commune. Quand la science les aura tous recueillis et classés, elle connaîtra sans doute les liens qui unissaient entre eux les anciens peuples, elle pourra savoir à quel groupe chacun d’eux appartenait, d’où ils sont partis et par quels chemins ils ont passé pour arriver chez nous. Ce jour-là, l’histoire ancienne de la Gaule, si obscure pour nous, sera fort éclaircie.


II

Nous nous sommes attaché à étudier la première salle, qui, dans son apparente uniformité, contient tant de spectacles nouveaux