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Page:Revue des Deux Mondes - 1881 - tome 46.djvu/870

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à la France ; la troisième avait trait aux situations respectives des deux royaumes : la France, en contestations perpétuelles avec le roi d’Espagne pour l’Italie, avec l’empereur d’Allemagne pour Metz, entraînerait fatalement dans ses luttes l’Angleterre, qui par sa position semble providentiellement destinée à la paix. Il continuait par quelques mots sur la différence de constitution et le danger pour le peuple anglais de laisser ses libertés dans cette aventure. Comme conclusion, ce mariage présentait, selon lui, beaucoup d’inconvéniens pour l’Angleterre, aucun pour la France, et lui semblait suspect.

Elisabeth fit appeler Paul de Foix le 17 février ; elle lui dit qu’elle avait cru rêver en se rappelant ce qu’il lui avait proposé. Elle n’en avait parlé à aucun de ses conseillers, ce qui n’était pas exact, car elle reprit toutes les objections de Cecil, y ajoutant qu’elle ne pouvait se marier sans l’assentiment du parlement. Paul de Foix ne resta pas sans réponse : « Il y avait grande différence entre les mariages des rois et ceux des particuliers ; ceux-ci peuvent en tout temps trouver des partis convenables, mais les rois doivent oublier leur propre personne pour assurer le bien de leurs sujets. Charles IX apportait à la reine la fleur de sa jeunesse ; les inconvéniens, s’il y en avait, seraient donc de son côté. Ils auraient certainement des enfans, et quand ils n’en auraient pas, la reine demeurerait toute-puissante, comme elle l’est aujourd’hui ; elle n’aurait pas à s’absenter de l’Angleterre, le roi viendrait l’y voir. Et, quant à l’assentiment du parlement, il lui rappela que, trois jours auparavant, elle lui avait dit que son mariage dépendait d’elle seule. Du reste, il serait facile de prévenir, par de bonnes conventions, tous les inconvéniens qu’elle paraissait redouter. » — Mais si le roi y contrevient, qui l’appellera en justice ? répliqua-t-elle. — De Foix, prenant cela pour un refus, répondit que la reine-mère, encouragée par les propos qu’il lui avait mandé que la reine Elisabeth avait tenus du roi son fils, avait eu d’elle-même cette pensée, mais qu’il voyait bien que l’affection de la reine avait pris place ailleurs et que peut-être même elle était engagée. Elle reprit que ce n’était pas un refus, qu’elle le priait de soumettre à la reine-mère les difficultés qu’elle entrevoyait ; dès qu’elle aurait reçu sa réponse, elle examinerait plus à fond son offre ; c’était la première fois qu’on lui en parlait, elle ne pouvait en dire plus, ni faire mieux. L’ambassadeur était debout, elle fit approcher un siège et le remercia longuement du rapport flatteur qu’il avait fait d’elle au roi et à la reine-mère ; et sur ces bonnes paroles, elle lui donna congé, lui promettant de lui envoyer Cecil dans un ou deux jours.

En effet, le lendemain, il reçut la visite de Cecil, qui lui dit qu’il venait de la part de la reine pour causer avec lui des propos qu’il