— L’enfant n’a que trop d’éducation, monsieur, ne vous tourmentez pas de cela. Si j’étais seulement aussi contente de sa santé ! si elle pouvait ne pas maigrir et manger mieux et dormir la nuit !
— Elle est vraiment malade ? s’écria Wilfred avec angoisse. Se pouvait-il qu’il fût cause de cette maladie ? fallait-il croire que la lutte contre un amour impossible fit souffrir Nellie jusqu’à mettre sa vie en danger peut-être ?
— Elle a vu le médecin ? demanda-t-il, oubliant tout ce qui n’était pas ce péril.
— Monsieur, je ne peux l’y décider. Elle prétend qu’elle n’a rien.
— Mais il faut qu’elle le voie. Je vais dire à ma mère de le lui envoyer. Elle ne tousse pas ? ce n’est rien de grave ? Suppliez-la de se soigner, madame Dawson ! Dites-le-lui de ma part…
Et il courut avertir sa mère que Nellie était très malade, ce qui valut aussitôt au médecin du village un billet de la châtelaine lui demandant de voir sans retard la petite Dawson et de rendre compte de son état à lady Athelstone. Mais avant que le docteur eût pu faire sa tournée le lendemain matin, il fut appelé au château en toute hâte. Lord Athelstone avait été frappé d’une attaque.
La poste arrivait entre sept et huit heures du matin, et c’était l’habitude de lord Athelstone d’ouvrir lui-même la boite. On la lui portait donc dans sa chambre, il y prenait ses propres lettres et donnait le reste pour être distribué aux différens hôtes de sa maison. Ce matin-là il en reçut quatre, une de son notaire au sujet de l’acquisition d’une ferme, deux autres qui avaient trait aux prochaines élections, et la dernière enfin décorée de majuscules et de paraphes qui lui fit croire à quelque mémoire de fournisseur.
Avant de décacheter celle-ci, lord Athelstone médita longtemps, d’un air soucieux, les deux lettres d’amis qui lui affirmaient que, si l’honorable Wilfred Athelstone voulait se présenter à la chambre des communes, appuyé sur des principes conservateurs, son élection était presque assurée. Les opinions bien connues du père serviraient de garantie pour la ligne de conduite du fils. Fût-il même libéral modéré, ses chances seraient encore grandes, mais le bruit avait couru qu’il professait des doctrines radicales ; les deux correspondans étaient unanimes à déclarer qu’en ce cas ils renonceraient à le soutenir, et lord Athelstone sentait qu’à leur place il eût agi de même. Combien il eût été utile cependant qu’un apprentissage parlementaire précédât le temps où Wilfred serait appelé à la chambre des lords !.. un temps bien proche peut-être… Lord Athelstone avait