Naplouse a fait son apparition sur la scène de l’histoire. En arrivant dans cette ville, je venais de relire la Genèse, j’étais tout plein de l’aventure de Dina; on comprend donc que celle de la jeune fille du curé catholique ne m’émût pas outre mesure. Aussi galant que Sichem, l’auteur du crime dont se plaignait ce curé proposait également d’épouser sa victime ; mais c’était là ce qui causait le plus grand scandale dans la petite colonie catholique de Naplouse. Que les musulmans pussent violer les chrétiennes, passe ! mais les épouser! Le curé ne pouvait se faire à cette idée, et je crois qu’il aurait eu recours, pour se venger, au stratagème des fils de Jacob si le ravisseur n’eût pas été déjà circoncis; malheureusement il ne l’était que trop, et il ne fallait pas songer à le mettre et à le surprendre dans une situation languissante pour le tuer au tranchant de l’épée.
Naplouse ne rappelle pas seulement les souvenirs héroï-comiques dont je viens de parler; elle a été la rivale drf Jérusalem, la capitale de ce royaume du Nord que la prépondérance tardive de la tribu de Jula finit par rejeter dans l’ombre, mais dont les destinées avaient longtemps balancé celles de sa rivale. Religieusement aussi bien que politiquement, la Samarie a lutté non sans succès avec la Judée, et quoiqu’elle ait été définitivement vaincue, ce serait exagérer la portée de sa défaite que de la croire aussi complète qu’on le dit généralement. A la distance où nous sommes de l’histoire du judaïsme, il semble que l’unité du sanctuaire, conséquence et garantie de l’unité divine, ait été le dogme fondamental et constant de la religion juive. De là l’importance non-seulement capitale, mais unique, attribuée à Jérusalem ; de là l’effacement des autres villes devant la ville sainte, devenue le symbole de la foi hébraïque au détriment de tous les autres lieux qui lui avaient disputé l’honneur de servir d’asile à Dieu. Mais, lorsqu’on lit avec attention l’Ancien-Testament, on s’aperçoit sans trop de peine que cette sorte décentralisation religieuse, qui a porté à la fois sur la divinité et sur le sanctuaire, ne s’est opérée qu’avec grande lenteur et qu’elle a été la conséquence de la centralisation politique qui l’a précédée et déterminée. Avec sa montagne de Garizim, rivale de Sion, avec sa ville sainte de Bethel, avec ses nombreux souvenirs de l’âge patriarcal, la Samarie était la plus considérable des individualités qui résistaient à l’action prépondérante de Jérusalem, et peu s’en fallut qu’à diverses époques le succès ne couronnât ses efforts. En remontant aux plus vieilles traditions de l’histoire commune, il lui était facile d’appuyer ses prétentions sur de très solides fondemens. Lorsque les Hébreux arrivèrent sur la terre de Canaan, ils y trouvèrent établi l’usage des hauts lieux ou hauteurs auquel ils se conformèrent d’abord avec une parfaite