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Page:Revue des Deux Mondes - 1881 - tome 47.djvu/121

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la Palestine, et qu’à chaque pas on y rencontre des sanctuaires, non moins profanes et tout aussi apocryphes que celui de Garizim, des sanctuaires où le Père est adoré avec une idolâtrie non moins grossière que celle des Samaritains. L’idée d’un culte tout spirituel rendu à la vérité ne sera peut-être jamais pour la masse de l’humanité qu’un rêve irréalisable, qu’une illusion aussi vaine que sublime; mais il suffit qu’elle ait pénétré dans quelques âmes et qu’elle les console des tristesses de ce monde pour que les paroles de Jésus n’aient point été perdues et pour que l’eau qu’il a fait surgir du puits de la Samaritaine devienne, suivant son expression, «une fontaine jaillissant jusque dans la vie éternelle. »

Peu de spectacles sont plus charmans que celui dont on jouit en quittant Naplouse de bonne heure pour se rendre à Nazareth en passant par Sébaste et Djénine. On traverse d’abord une jolie vallée remplie de cognassiers ombrageant de leurs feuilles et de leurs fleurs des milliers de sources qui jaillissent de tous côtés. Les ruisseaux, torrens, les cascades bruissent et rafraîchissent ce paysage humide et lumineux qui semble avoir combiné tous les avantages de l’Orient et de l’Occident. Lorsqu’on s’élève au sortir de la vallée de Naplouse, on ne peut s’empêcher de se retourner sans cesse pour admirer le panorama de la ville enfouie dans les arbres. Cependant on avance toujours dans une région plus montagneuse et partant plus stérile, mais qui ne ressemble en rien à l’aride Judée. Après quelques heures de marche, on arrive à Sébâstieh, l’ancienne Sébaste, ville jadis splendide, quoique le site où elle est située soit assez triste. C’est Hérode le Grand qui la nomma Sébaste (Auguste) en l’honneur de l’empereur romain qui la lui avait donnée. Il l’embellit, suivant sa coutume, d’édifices magnifiques, dont le principal était un temple dédié à l’empereur et devant lequel s’étendait une place de trois stades et demi. Ou y trouve encore des colonnes qui sont probablement les débris du temple d’Auguste et du théâtre de la ville. Mais la seule ruine importante de Sébaste est celle de l’église de Saint-Jean-Baptiste, bâtie par les croisés entre 1150 et 1180, monument remarquable que M. de Vogüé regarde comme la plus belle des basiliques chrétiennes de la Palestine après celle du Saint-Sépulcre. Les musulmans y vénèrent une chambre sépulcrale qu’ils prétendent renfermer les tombeaux de saint Jean-Baptiste, du prophète Abdias et du prophète Elisée. De Sébaste à Djenine, la dernière station avant d’arriver à Nazareth, la route présente des aspects très variés. Tantôt elle passe par des gorges arides, tantôt elle se déroule à travers des plaines et des vallées d’une grande fertilité ; tantôt elle grimpe sur les montagnes dont la vue s’étend au loin sur la Samarie et sur la Galilée. Ce qui m’a le plus frappé dans