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s’appliquant à noter les noms en usage dans le pays, avec l’idée que ces noms doivent toujours prévaloir sur les dénominations attribuées par les navigateurs de différentes nations ; — on lui doit d’importantes découvertes. Il était le meilleur commandant qu’on pût souhaiter pour diriger une expédition scientifique ; on en jugera en le suivant à son passage à la Nouvelle-Zélande. La marine française peut être fière de celui qu’au jour d’une mort misérable on appelait l’amiral d’Urville[1]. Sur l’Astrolabe, le chef de l’expédition avait pour lieutenant M. Jacquinot, déjà éprouvé dans une précédente campagne, et dans l’état-major de jeunes officiers pleins de zèle pour les travaux hydrographiques, tels que MM. Lottin et Paris, les médecins-naturalistes Quoy et Gaimard, qui ont voulu rendre leurs noms inséparables, enfin un dessinateur" de quelque mérite, M. de Sainson.

L’Astrolabe était partie de Toulon, le 22 avril 1826. Après une relâche au Port-Jackson, elle courait vers l’orient. Le 10 janvier 1827, elle avance sous le vol de nuées de pétrels noirs et blancs, de mouettes et d’hirondelles de mer, annonçant la proximité d’une terre. Aussi, bientôt apparaissent des côtes sauvages, des monts sourcilleux que battent les terribles vents des mers antarctiques. A cette heure, commandant et officiers sur le pont se réjouissent. « Chacun, nous dit l’illustre navigateur, rêve d’ajouter à la science de nouveaux documens sur ces contrées encore peu connues, d’étudier de près les divers règnes de la nature et d’observer scrupuleusement les coutumes bizarres, les institutions extraordinaires qui tendent à y donner à l’espèce humaine un caractère si particulier. »

Le navire pénètre dans la baie Tasman, qu’une langue de terre sépare de la baie des Meurtriers, restée célèbre depuis le massacre des matelots du navigateur hollandais. Au mouillage, la vue est imposante; deux côtes élevées bordent la baie : l’une à l’est, offrant l’image de la stérilité ; l’autre, à l’ouest, présentant le tableau de la plus riante nature. Le fond semble occupé par des terres plus basses, que domine au loin une chaîne de montagnes neigeuses. On alla jeter l’ancre dans un endroit bien abrité qui sur la carte portera le nom d’anse de l’Astrolabe[2]. La baie Tasman, indiquée par Cook comme une médiocre échancrure de la côte, a en réalité des proportions considérables, et ce fut une sorte de joie, un encouragement au travail pour les membres de l’expédition française, d’avoir à fournir des notions exactes sur des parages à peine entrevus. Il était alors d’un puissant intérêt de visiter une partie de la Nouvelle-Zélande,

  1. On sait que le capitaine Dumont d’Urville, nommé contre-amiral au retour de l’expédition au pôle Sud (8 novembre 1840), périt dans les flammes avec sa femme et son fils sur le chemin de fer de Versailles, le 8 mai 1842.
  2. Par 40° 58’22" de latitude australe, 170°38’25" de longitude orientale.