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dépassée, la monotonie du paysage est un désappointement pour les voyageurs. L’établissement des missionnaires se trouve sur un plateau ; à l’aspect de trois maisons anglaises entourées de jardins et de champs cultivés, le commandant du Beagle est rempli de joie ; à ses yeux c’est l’image de la vieille Angleterre. L’exploitation agricole était dénoncée par la présence de moutons, de vaches et de pourceaux, d’une quantité de volailles et de quelques chevaux. Dans les jardins, prospéraient les plantes de l’Europe. Une grange a été construite par les indigènes sous la direction d’un missionnaire ; un moulin a été installé sur le torrent du voisinage. Le capitaine Fitzroy est ravi. Il a été frappé de l’apparence de bonheur des familles qui lui ont donné la plus gracieuse hospitalité. Pour se rendre à Keri-Keri, on traverse un bois où les marins demeurent en admiration devant les nobles pins dont le tronc rappelle une colonne antique d’immenses proportions. Passant ensuite sur un terrain découvert, on arrive au ravin profond où coule un large torrent qui tombe dans un précipice de 30 mètres, marquant la limite du bras de mer qui vient de la baie des lies. Les villas, les jardins remplis de fleurs, charment les visiteurs.

Le capitaine Fitzroy, au souvenir des actes capables d’attirer les plus justes vengeances de la part des insulaires, commis par les équipages des baleiniers et par les convicts échappés, rappelle combien cette tourbe européenne a contribué à produire l’état de dégradation des aborigènes. Il estime favorable l’influence des missionnaires et il défend les pasteurs qui se dévouent à l’éducation des enfans européens nés à la Nouvelle-Zélande contre ces colons qui leur reprochent d’avoir pris des terres et de les empêcher d’en acquérir. Au dernier jour de l’année 1835, le Beagle quittait la Nouvelle-Zélande et, doublant le cap Nord, cinglait vers Port-Jackson.


III.

Lorsqu’il s’agissait d’expéditions maritimes réputées d’un caractère scientifique, on employait d’ordinaire des bâtimens légers, tirant peu d’eau, pouvant ainsi aborder sans péril au voisinage des côtes. Sous l’impression des efforts de l’Angleterre pour convaincre partout de sa supériorité sur les autres peuples, le gouvernement français, se persuadant qu’il ne serait pas inutile de donner aux nations barbares une idée avantageuse de notre puissance navale, voulut affecter à un voyage autour du monde une belle frégate. La Vénus, année de soixante canons, fut confiée au capitaine Abel Du Petit-Thouars.

Nous ne trouverons l’imposant navire à la Nouvelle-Zélande que sur le rivage déjà le plus connu, pendant une relâche du 13 octobre