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davantage. Il se retournait contre l’empereur et s’attaquait à ses conseillers. Le silence n’était plus permis, l’heure des justifications était venue ; le patriotisme indigné mettait le gouvernement en demeure de s’expliquer. Le 16 septembre paraissait, dans le Moniteur officiel, le manifeste de l’empereur que l’histoire retiendra sous le nom de circulaire La Valette.

On rompait ouvertement avec la politique de compensations dont M. Drouyn de Lhuys était le représentant convaincu. On apprenait à la France déçue et attristée que l’empereur, en s’associant aux idées nationales qui travaillaient l’Italie et l’Allemagne, loin de trahir les intérêts du pays, les avait au contraire mieux compris que ses détracteurs ; on lui disait que la politique devait s’élever au-dessus des préjugés étroits et mesquins d’un autre âge, que c’était une erreur de croire que la grandeur d’un pays dépendît de l’affaiblissement des peuples qui l’entourent, qu’on avait tort de s’émouvoir de la dissolution de la Confédération germanique, de l’agrandissement de la Prusse et de la constitution de la nationalité Italienne. On proclamait la liberté des alliances. Oubliant la guerre glorieuse faite en Orient avec le concours de l’Angleterre et du Piémont et les coups qu’il avait portés à l’Autriche en 1859, sans que la Confédération germanique eût remué un homme ou un canon, l’empereur affirmait que, dans l’ancien état de choses, la France se trouvait gênée dans tous ses mouvemens par d’habiles et perfides combinaisons territoriales, que la moindre difficulté sur la Meuse, sur la Moselle, sur le Rhin, ou dans le Tyrol, faisait retourner contre nous toutes les forces de la sainte-alliance, et que la Confédération germanique avec ses 80 millions d’habitans, soutenue par cinq places fortes, nous entourait d’un cercle de fer.

« La France, disait-il, en chargeant sa palette des plus sombres couleurs, n’avait alors aucune possibilité de contracter une alliance, et si elle avait pu maintenir la paix et se procurer une sécurité précaire, ce n’était qu’au prix de son effacement dans le monde. » Il s’indignait que l’opinion publique, par une sorte d’hallucination, s’obstinât à voir, non des alliés, mais des ennemis, dans les nations affranchies d’un passé qui nous avait été hostile. Il n’y a rien, affirmait-il, dans la distribution des forces européennes, qui put nous inquiéter. L’empereur Napoléon Ier prévoyait les changemens qui étaient survenus lorsqu’il avait déposé le germe de nationalités nouvelles, en créant le royaume d’Italie, et en supprimant en Allemagne deux cent cinquante-trois états indépendans ; il avait compris qu’une puissance irrésistible poussait les populations aux grandes agglomérations et condamnait les états secondaires à disparaître. Aussi Napoléon III jugeait-il qu’en face de l’accroissement prodigieux de la Russie et des États-Unis, il était de l’intérêt des