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de bonne amitié. Le 25 février, une grande fête fut donnée en son honneur à l’hôtel de Lorraine. Le 1er mars, le roi l’emmena chasser à courre à Vincennes ; enfin, le 4 mars, le duc de Nevers l’invita à un concert qui fut suivi d’une comédie jouée par des acteurs italiens. Cette réception toute d’apparat n’avait pas permis à Catherine de s’entretenir en particulier avec lord Buckurst ; elle y tenait pourtant et chargea Cavalcanti de ménager une entrevue. Le lieu choisi fut le jardin des Tuileries, dont Catherine était très fière. Lord Buckurst, devant partir le lendemain, prétexta le désir de le voir. Catherine l’y attendait ; en l’apercevant elle feignit l’étonnement. Il se rapprocha d’elle et l’entretien s’engagea. Elle lui dit qu’elle aurait regretté qu’il fût parti sans qu’elle lui exprimât toute l’amitié que le roi et elle portaient à la reine, sa maîtresse, et leur désir de la fortifier quand l’occasion s’en présenterait. « Votre Majesté, répondit Buckurst, fait sans doute allusion au mariage de la reine et du duc d’Anjou. » Elle répondit que si le roi et elle étaient assurés que la reine le voulut et qu’elle ne se moquât pas de son fils comme des autres, elle le désirerait, mais à la condition toutefois qu’elle prît soin de leur honneur. Buckurst reprit que la reine l’avait chargé de dire, en cas qu’on entrât en ce propos, qu’elle était résolue de se marier hors de son royaume et à un prince de même aile ; mais que, n’étant l’honneur des filles de rechercher les hommes, elle n’en pouvait dire davantage ; quand elle en serait requise, elle répondrait et nulle moquerie n’était à craindre. Puis, venant à exprimer sa propre opinion, Buckurst ajouta qu’elle était comme forcée de se marier ; car tous les grands le lui conseillaient ; tous les autres prétendans, le roi de Suède, le frère du roi de Danemark, l’archiduc Charles, étaient pauvres et éloignés de l’Angleterre. Tout au contraire, le duc d’Anjou était son plus proche voisin et s’appuyait sur un grand roi. Des deux côtés, ce mariage présentait de grands avantages. Avant de prendre congé, il demanda à Catherine ce qu’elle désirait qu’il écrivît à Elisabeth. Elle se borna à lui dire que, si la reine voulait vraiment se marier, le roi et elle étaient tout disposés à entrer en pourparlers. Le lendemain, elle envoya à Buckurst un projet de mariage dressé en huit articles.

Lors du retour de Norris en Angleterre, Elisabeth l’avait longuement questionné sur le duc d’Anjou ; toutes ses réponses avaient été favorables : il avait vanté sa belle taille, sa vigueur, sa grâce, sa beauté. Elle en avait été si vivement impressionnée qu’elle avait chargé Leicester de demander à La Mothe-Fénelon si, dans quelques mois, lorsqu’elle s’approcherait des côtes de France, le duc ne pourrait pas profiter d’une marée pour venir la voir. La Mothe avait répondu que, tant que rien ne serait arrêté, cette entrevue lui semblait