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difficile. En revenant de France, Buckurst confirma tout ce que Norris avait dit de flatteur sur le duc, et donna les meilleures assurances de la sincérité de Catherine. Encouragée par tant de témoignages, Elisabeth se décida à se prononcer plus ouvertement qu’elle ne l’avait fait jusqu’alors. Le 29 mars, elle écrivit à Walsingham « qu’elle était résolue à se marier et à accepter l’offre qui lui avait été faite du duc d’Anjou ; mais, pour s’épargner une réponse trop directe, trop précise, elle voudrait que la reine mère, qui a une grande expérience des négociations de ce genre, se chargeât de faire seule et d’elle-même tout ce qui était convenable et d’usage en pareil cas. Quant à la question de religion, elle déclarait qu’elle n’en permettrait pas au duc l’exercice public. »

Au moment même où Elisabeth et Catherine se montraient si bien disposées, de nouvelles oppositions se produisaient dans les deux cours et de nouvelles intrigues étaient nouées. En Angleterre, les partisans de l’Espagne, l’archiduc Charles leur manquant, avaient eu la pensée de mettre en avant le prince Rodolphe, fils de l’empereur Maximilien. Son portrait avait été envoyé de Vienne et remis à Elisabeth. De son côté, le duc d’Anjou semblait revenir à ses premières et fâcheuses impressions. « Ces jours passés, écrivait Walsingham à Cecil, il a dit à M. de Foix : Vous et les autres, vous m’avez porté à consentir à ce mariage, mais je crains bien d’apprendre dans les premières lettres que la reine d’Angleterre n’a d’autre but que de nous divertir, et nous serions au regret de nous être avancés si avant. À moins d’une réponse décisive, je ne veux pas faire un pas de plus. » Walsingham jugea bien que le moment n’était pas opportun pour faire connaître la résolution si formellement exprimée par Elisabeth de ne pas permettre ouvertement au duc l’exercice de sa religion. Dans l’état d’esprit où il était, tiraillé en sens contraire par le nonce et les chefs catholiques, il y trouverait un prétexte pour rompre sur-le-champ. Laissant donc de côté le point essentiel de ses instructions et comptant un peu sur le temps, Walsingham déclara simplement à Catherine que la reine sa maîtresse était disposée à accepter la main du duc d’Anjou. Catherine devina bien qu’il lui cachait quelque chose. Elle lui dit qu’elle aurait désiré une réponse moins laconique, non pas tant à cause d’elle que pour donner satisfaction à certains scrupules. C’était une allusion indirecte à la question de la religion. Elle ajouta que, si on agissait de bonne foi, l’amitié entre les deux cours resterait la même, quel que fut le résultat. Walsingham répondit qu’il était autorisé à en conférer avec M. de Foix, mais que, pour éviter les inconvéniens d’une négociation à distance, il serait peut-être préférable d’envoyer en Angleterre un personnage de confiance, muni de pleins pouvoirs ; sous ce