de tous les matériaux susceptibles d’être entraînés par eux, on aurait proclamé une vérité applicable à tous les temps et à tous les pays. On le sait, l’abondance des précipitations aqueuses suffit pour imprimer au régime des fleuves et de leurs affluens une élévation proportionnelle. À ce compte, il est bien certain que, sur une foule de points, le percement et l’élargissement des vallées actuelles remontent précisément au quaternaire et doivent être considérés comme un résultat du travail des eaux à ce moment. Mais de là à admettre, comme on le faisait, que les vallées auraient été façonnées à l’aide d’une dernière opération de la nature achevant de les creuser comme elle avait auparavant élevé les montagnes, il y a une distance énorme qu’il est juste de faire ressortir, en même temps qu’une invraisemblance à repousser.
Depuis qu’il pleut sur la terre, c’est-à-dire toujours et dans tous les temps, et dès que le sol eut présenté des obstacles superficiels, par conséquent des digues s’opposant au passage des eaux, il y a eu aussi des vallées, et ces vallées ont dû s’élargir par érosion. Elles ont dû en même temps, une fois établies, persister à servir de cuvette aux eaux courantes, tant que des mouvemens physiques, c’est-à-dire des émersions et des dislocations, ne sont pas venus modifier l’orographie et ouvrir aux eaux contemporaines de ces mouvemens une nouvelle direction avec de nouveaux chemins. Ces changemens se sont effectivement réalisés autrefois et à bien des reprises; mais comment, dans quelle mesure chaque fois, avec quelle lenteur ou quelle rapidité? — Nous sommes assurés, remarquons-le, de l’existence de ces mouvemens d’émersion, d’affaissement ou de fracture; nous en constatons les effets, mais l’éloignement nous en dérobe d’une façon absolue la nature vraie, et cela par une raison péremptoire, c’est qu’insensibles ou brusques, de pareils phénomènes auraient cependant abouti à des résultats identiques. Quoi qu’on en dise, entre une chaîne de montagnes surgissant toute fumante des profondeurs du sol, comme certains savans le voient dans leurs rêves, et une masse qui aurait mis des myriades de siècles à cesser d’être horizontale pour s’incliner, se fracturer graduellement en s’affaissant d’une part et se relevant de l’autre jusqu’à la verticale, l’u-il du géologue le plus exercé ne saurait signaler aucune différence ostensible. En distinguerait-on davantage si l’on comparait un édifice ruiné subitement par un tremblement de terre à un autre qui, perdant peu à peu son aplomb, se serait graduellement écroulé ?
En réalité, les vallées sont de tous les temps et de toutes les régions; elles sont une conséquence de l’orographie; elles ont dû se succéder, se remplacer, se souder mutuellement ou se transformer