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les variations, les retraits et les avancemens partiels auxquels la masse terminale d’un glacier est encore aujourd’hui sujette. Les blocs charriés jusque-là du haut des Alpes sont parfois énormes. Dans l’arrondissement de Belley, à Virignin, un bloc de phyllade à moitié détruit cube encore 378 mètres; à Luzieu, un autre bloc de la même roche mesure 250 mètres; sur le plateau bressan, au Rancé, à l’est de Trévoux, c’est la « pierre-brune, » granit porphyroïde venu des alpes de la Savoie et d’un volume de 100 mètres cubes. L’énumération et la description de ces blocs remplit tout un volume de la monographie lyonnaise; les auteurs vont les chercher partout où le hasard du transport glaciaire les déposa autrefois; aux environs de Vienne, c’est la a pierre de la mule du diable, » schiste chloriteux dont la masse, de 624 mètres cube-, repose au milieu d’une vaste plaine, comme un témoin oublié de ces scènes primitives que l’homme encore enfant a pu cependant contempler. C’est pour cela que MM. Faisan et Chantre attachent une grande importance à la conservation de ces monumens trop souvent exploités comme matériaux de construction et exposés à disparaître. Les principaux et les plus intéressans au point de vue scientifique devraient être l’objet d’une mesure de sauvegarde. Mais il faudrait se hâter d’entrer dans cette voie; bientôt il ne serait plus temps; l’œuvre de destruction déjà avancée serait accomplie.

Ce ne sont pas seulement les roches transportées sur la glace que l’on retrouve; les eaux jaillissantes, boueuses et détritiques, échappées des flancs de l’ancien glacier et qui formaient ce fleuve prodigieux du Rhône quaternaire, ont également laissé des traces de leur action ; les marais bressans ne sont que les vestiges des affouillemens de ces eaux. Là venait finir le glacier après une pente de plus de 3,000 mètres à partir de son extrême origine au Schneestock, de 2,500 mètres depuis la Furca, de 1,200 mètres au moins depuis le Valais, d’un millier de mètres si l’on se place au point où, après avoir franchi les derniers obstacles et effectué toutes ses jonctions, le plateau glacier s’abaissait en talus élargi et régulier vers le Lyonnais et la Bresse.

L’ancien glacier du Rhône a été pour nous un type dont une étude spéciale nous permet de reconstituer l’aspect et les proportions; mais ce type n’a rien d’isolé. A l’époque quaternaire, les autres versans alpins, les Vosges et les Pyrénées, avaient aussi leurs glaciers. MM. Martins et Colomb ont tracé la monographie de celui d’Argelès dans cette dernière chaîne; formé de deux branches principales, celle de Luz et celle de Cauterets, ce glacier s’avançait jusqu’à Lourdes. La montagne du Cantal a offert à l’infatigable M. B. Rames des traces incontestables de l’action glaciaire. Le Caucase,