Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1881 - tome 47.djvu/371

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cette épaisseur devait être approximativement la même près de Martiguy. Mais, d’autre part, en tenant compte des cotes d’altitude des blocs erratiques et des roches polies, on obtient également la mesure de la pente du glacier quaternaire dont le talus s’abaissait graduellement, puisque, parti de 3,500 mètres, s’élevant encore à plus de 2,000 au Mont-Altets, il tombe à 1,390 au Molesson, au-dessus de Lausanne, et à 1,200, plus loin, à Culoz, au-delà de Genève. Seulement, arrivé à ce dernier point, le glacier du Rhône supérieur se soudait à ceux de la vallée de l’Arve. Ces derniers existent sous nos yeux à l’état de rudimens dans la vallée de Chamonix, où ils provoquent l’admiration des touristes. M. A. Favre, maître dans ces sortes de recherches, place à 2,208 mètres d’altitude la limite supérieure des glaciers de Chamonix. A Cluses, dont le défilé leur servait autrefois d’issue, le niveau supérieur marqué par des blocs de protogyne s’élevait au moins à 1,300 mètres avec une épaisseur probable de 800 mètres. D’après les auteurs de la monographie, cette cote aurait été dépassée et l’on observerait çà et là des blocs déposés jusqu’à 1,560 et 1,600 mètres d’altitude. Plus loin, au Salève, la hauteur observée est sûrement de 1,300 mètres, et ce même niveau est aussi celui que « le glacier du Rhône devait atteindre en face, sur le flanc du Jura. »

Nous ne pouvons suivre pas à pas la marche imprimée jadis à ce glacier vraiment gigantesque, formé de la réunion de ceux de l’Arve et du Rhône; mais pour en compléter le tableau, il faudrait le montrer contournant le massif du Grand-Crédo, au-dessus de Gex, ensuite celui de Seyssel pour aller passer au-dessus de Culoz, à 1,200 mètres d’altitude, altitude correspondante à celle que l’on observe à Chambéry. Entre Culoz et Chambéry, le glacier quaternaire coudoyait ceux que les savans de Lyon nomment « delphino-savoisiens » et dont on doit l’étude à M. le professeur Lory. Puis, en avant de cette ligne que des hauteurs barraient en travers et qui fut difficilement franchie à un moment donné des temps quaternaires, le glacier s’avançait vers la région lyonnaise; il épanouissait son front à l’ouest en un immense éventail. Il s’étalait vers le nord jusqu’à Bourg, du côté du sud jusqu’à Vienne, décrivant une ligne frontale dont le cours du Rhône de Vienne à Lyon, Lyon même et le plateau de Satory au-dessus du confluent, plus loin Neuville, Trévoux, Châtillon-les-Dombes, et enfin Bourg, marquent les limites extrêmes. Le long de cette section de circonférence, à laquelle venait aboutir l’ancien glacier, l’altitude des blocs d’origine glaciaire ne s’élève plus au-dessus de 380 mètres à Lyon, de 275 à Trévoux, de 275 à Châtillon-les-Dombes; c’est ici proprement l’emplacement de la moraine frontale. L’immense glacier, sur cette limite, a subi toutes