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sa présomption, son ignorance absolue des règles d’une bonne administration sont flagrantes. Considérez cette hiérarchie : en bas, pour la surveillance immédiate des écoles, la présentation des maîtres et l’exécution des lois et des arrêtés, la municipalité ; au milieu, pour examiner les candidats et donner son avis dans les cas de révocation, le jury d’instruction ; au sommet, pour le choix du jury, la nomination des instituteurs, la répartition des écoles et la préparation des règlemens relatifs à leur régime, les administrations de départemens. Et puis, rien, aucun contrôle, aucune intervention de l’état, si ce n’est pour approuver les règlemens arrêtés par les autorités départementales. À cette vaine formalité se borne l’action du pouvoir central, du directoire. Encore si ces autorités dépendaient de lui, s’il avait quelque pouvoir sur elles ! Mais, issues de l’élection, elles lui échappent entièrement : elles n’ont qu’un maître, le peuple, et qu’une pensée, qu’un but, lui plaire. Plus libre en apparence, le jury d’instruction lui-même est sous le joug ; bien que nommé par le département, c’est du souverain en réalité qu’il émane aussi et c’est à ses injonctions qu’il obéit.

Or ce souverain, quel est-il et de quels élémens se compose-t-il ? Quelle est sa compétence et quelle sa capacité ? De 1791 au 9 thermidor, la chose est bien connue, le souverain[1], manifestement, c’est le club, c’est-à-dire une infime minorité formée de tous les déclassés, de tous les bavards et de toutes les têtes chaudes de la commune. Partout, à l’exemple de Paris, avaient poussé des sociétés populaires. En septembre 1791, on en comptait déjà 1,000[2] ; en 1793, après la mort du roi, il y en avait presque autant que de villages ; 26,000, au dire de Rœderer.

Affiliées presque toutes aux jacobins, ces sociétés patriotiques, épurées, régénérées, jacobines, montagnardes, comme elles s’appelaient, avaient fini par étendre leur réseau sur toute la France et partout elles tenaient les pouvoirs légaux en échec. Au commencement, en 1791, la constituante avait bien essayé de s’opposer en quelque mesure à leurs empiétemens ; elle leur avait interdit

  1. « C’est dans les sociétés populaires réunies que réside la souveraineté ; chacun de nous est souverain, sans pouvoir en exercer les actes ; nous en déposons le droit pour le bonheur de tous dans les mains des législateurs que nous choisissons ; c’est donc de nous qu’ils tiennent leur force qui est la nôtre ; nous sommes les colonnes de l’édifice de notre liberté.
    « La république française vient, par l’organe de la convention, de se déclarer gouvernement révolutionnaire. Il s’ensuit que toutes les autorités sont maintenant des corps révolutionnaires ; conséquemment nous avons le droit incontestable, droit délégué par nos représentans, de destituer tous les fonctionnaires qui n’agiraient pas révolutionnairement. » (Paroles d’un citoyen membre de la société populaire de Fontainebleau.)
  2. Taine, la Révolution, t. II, ch. II.